La ville au bord de l’eau

La ville au bord de l’eau
La ville au bord de l’eau huile sur toile, 1947 Donation Pierre et Kathleen Granville, 1969 © Musée des Beaux-Arts de Dijon/François Jay © ADAGP, Paris

jeudi 30 septembre 2010

La mère de Samuel

Lunaire il a ce visage de Pierrot, sauf que, cramoisi d’entendre sa mère parler de lui comme d’une merde, il lui faudrait bien de la farine, Samuel, pour envisager le rôle. Humilié dans son k-way argenté, il n’ose plus trop me regarder, Samuel aux yeux très ronds d’écureuil mélancolique. La mère, les yeux très ronds aussi, mais d’un bleu si pâle, si lapidaire dans ce visage fatigué qui ne se crispe pas pour condamner Samuel, l’âge bête pour pas dire pire, elle maugrée, s’intéresse à rien, pas trop rebelle pourtant, plutôt moins que les autres. Y fout rien Samuel, jamais de travail à la maison, et si elle est là aujourd’hui, si je l’ai convoquée c’est qu’il y a une raison, c’est qu’il a rien foutu, hein ? Je proteste en vain, elle n’entend rien, grande ourse dans sa fosse. Elle parle d’apprentissage, elle parle de vie active, elle dit qu’il ne s’intéresse à rien, elle dit qu’il ne manque de rien, elle dit qu’il rêve de voitures de sport, elle dit qu’il n’en aura jamais. Qu’elle ne lui paiera pas une année de plus. Samuel écoute. Samuel ne dit jamais rien, jamais. Samuel est toujours sûr d’avoir tort, rouge jusqu’aux oreilles d’être là. Et la mère s’offusque que je ne sois pas du sacrifice, que je demande grâce pour ce garçon dont je sais qu’il produit tous les efforts possibles ; encore un peu, elle s’indignerait qu’il surnage avec ses joues de brique, et si elle le pouvait, elle le lesterait davantage.

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