Nicolas de Staël, Face au Havre

Nicolas de Staël, Face au Havre
Nicolas de Staël, Face au Havre

lundi 20 septembre 2010

Asile

Vieilles doudounes, pulls acryliques, pardessus de couleur incertaine, si elle vivait encore, Denise, elle vous dirait couverts comme des oignons, elle vous offrirait du bouillon, Denise, elle se moquerait gentiment à vous voir maladroits de toutes vos frusques superposées. Elle ne comprendrait pas ces herses sur la route, ces enfants coursés dans les bois, les chiens sur les femmes aux jupes à carreaux, les policiers un peu excités par la traque. Vous n'auriez rien pu lui expliquer, elle ne parlait pas votre langue, sa langue à elle a disparu. Mais elle aurait reconnu la misère, elle l'aurait reconnu dans toutes les langues, elle aurait touché les visages des enfants de ses mains ravinées. Et vous auriez reconnu, à ses ongles fendus, ses traces d'engelures, une sœur en Denise. Et vous auriez bu le bouillon gras qu'elle vous aurait tendu.

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