Nicolas de Staël, Face au Havre

Nicolas de Staël, Face au Havre
Nicolas de Staël, Face au Havre

jeudi 20 avril 2023

L'espérance des fruits

Les nuages, il ne faut pas les maudire, eux non plus n'en ont plus pour longtemps, s'évaporeront avec le reste, les nuages,  et la vie, ce mauvais rêve, s'évanouira comme eux, et tout ce que nous avons aimé, n'en restera que quelques fossiles, et nos corps dessiqués, avec quelques mèches de cheveux où l'on pourrait trouver des pesticides, s'il restait quelqu'un pour en chercher.
Alors qu'ils viennent et qu'il pleuve encore, et s'il pleut, sortons les remercier et regardons leurs hordes grises déferler et nos herbes -ici ce sont encore des prés- devenir grasses avant l'été, et nos arbres en fleurs s'éparpiller pour mieux verdir. Alors reprenons, une année encore, l'espérance des fruits, et nettoyons, résolus, la bassine à confitures.

mardi 18 avril 2023

Le goût des petits pois

 Les cerisiers en fleurs, c'est le bonheur du jardin, cette lumière qui ne ressemble à rien, scintillement de pétales qui s'éparpillent en tourbillons, qui ennuagent l'arbre, en masquent le tronc, il en pleut sur l'herbe et la chatte s'en amuse -mais elle préfère le gros bourdon. Acidulé comme les couleurs d'un bonbon, avril nous ment tranquillement, promesses de résurrection, cycle rassurant, il débite son boniment et nous avons envie d'y croire -nous sommes de vieux enfants. Le goût des petits pois, des oignons nouveaux et des premières fraises, les asperges comme un péché mignon, de vieux plaisirs nous reviennent comme de nouvelles joies, pas celles des enfants, non, enfants nous n'aimions pas trop les petits pois, je détestais les oignons, on est con quand on a sept ans, l'est-on moins maintenant? j'en doute, toujours est-il que le printemps.

lundi 17 avril 2023

A quoi s'attendre

 Il faut craindre l'été, tout un travail, un deuil même que ces rêves ensoleillés, les plages de l'enfance aux parasols rayés, à écarter, à ranger dans la boîte à diapositives, -les Kodachrome étaient plus bleues, les Fuji plus vertes il y avait en ce temps là des pellicules pour la mer ou pour la montagne, nos vacances en étaient filtrées, pas le soleil qui nous dardait, nous en pelions dès juillet. Nous espérions l'été tout au long de l'année, il nous était promis, il nous manquait parfois -la Bretagne était alors pluvieuse, surtout aux grandes marées- nous avions envie d'esquimaux glacés, de draps de bains lancés sur le sable grossier, de planche à voile, de parties de pêche avec les cousins, et c'étaient crêperies sous le crachin gris, il fallait sauver les enfants de l'ennui, les jours de temps chagrin.

Les forêts brûlent dès avril, les pluies de mars n'ont rien changé, illusoire la verdure des prés, les brumes du matin, les flaques des chemins creux, les eaux de surface maquillent pour un temps un destin de plateau castillan, nous le savons, l'été nous accablera d'un soleil blanc qui effacera jusqu'aux couleurs de nos souvenirs, et il ne nous reste plus qu'à préparer l'ombre où se terrer pendant que les champs ardents charbonneront sous les rayons insolents.