Nicolas de Staël, Face au Havre

Nicolas de Staël, Face au Havre
Nicolas de Staël, Face au Havre

dimanche 27 juillet 2014

L'incendiaire

Celui qui alluma le feu, le voulait-il, le savait-il? Les champs brûlés sont plus fertiles disaient les frotteurs d'allumettes, ces bons gros gars aux yeux bleus qui regardaient fiévreux les filles.
Celui qui battit le briquet, voulut-il déclarer sa flamme, et femme qui le battit froid, savait-elle qu'on n'éteint pas la braise sous la cendre, le feu couve en-deçà, la lame qu'on rengaine n'en perdra pas son fil.
Comment a-t-il mordu le pré, comment le blé a-t-il fait torche, tourbe dessous, foudre tombée, comment le feu s'est ingénié nul ne le sait, pas plus celui qui l'a bouté que celui qui l'a combattu.
L'incendiaire au bras tremblant se tient aux côtés des pompiers. Comme eux, il bande et déroule la lance, mais l'eau versée c'est en pure perte, il voit son désir partir en fumée, vapeur, suie sperme tout ensemble.
Et voilà que brûle la première maison. C'était un hôtel borgne et les filles hurlent qui sautent des étages et se brisent près du brasier. Puis c'est la grange et du grenier, le feu vole jusqu'à l'église dont crépitent les pans de bois, et dieu s'y carbonise et l'incendiaire dit: "Seigneur, je ne le voulais pas."