Nicolas de Staël, Face au Havre

Nicolas de Staël, Face au Havre
Nicolas de Staël, Face au Havre

jeudi 22 août 2019

De tout de rien

Même si l'avenir s'effondre comme un pan de toit sous le ciel, sous la dalle grise où ton nom s'efface, tu n'es plus tu n'y es pas, les pas sur le gravier s'éloignent, c'est doux de te parler, tu ne me réponds pas -j'ai oublié le timbre de ta voix. Je ne vais plus à Vannes, je ne me retourne pas, les pas sur le gravier s'éloignent, me revient "c'est n'importe quoi", ce que tu disais quand ça n'allait pas. Je suis comme ces vieilles femmes, ces veuves d'Almodovar qui nettoient les tombes en Espagne, elles parlent des vivants aux morts, des morts aux vivants, elles disent des horreurs et chantent des chansons d'enfants. Cet été, ton fils est venu m'aider pour l'emménagement -Tanguy s'installe ici- bien-sûr c'était la canicule, ton fils déborde d'énergie tu serais rassurée tu serais fière de lui. Il a fait si chaud cet été que des arbres ont grillé que des arbres ont jauni, brûle l'Amazonie, qui aurait pu l'imaginer? 43° degrés à Lille fin juillet, ton fils te le confirmerait, il te dirait aussi la fraîcheur de la cathédrale d'Amiens où nous fîmes étape, ses lumières insensées. Tanguy a rangé les armoires, vingt ans de linge accumulé, coton jauni, laine mitée c'est fou ce qu'il fallut jeter chemises défraîchies, manteaux élimés, jeans déchirés, au recyclage, faire le grand ménage: tout est entré dans la maison plus grande qu'il n'y parait, le passé s'est tassé. Je suis encore vivant, je sais encore aimer c'est doux de te parler.