Nicolas de Staël, Face au Havre

Nicolas de Staël, Face au Havre
Nicolas de Staël, Face au Havre

jeudi 28 décembre 2023

Jardin d'hiver

 Brouillée, la lumière du jour, mouillée, l'odeur du jardin, l'infusion des feuilles mortes dans la mare -il aurait fallu les ramasser, couper les bambous qui ont repoussé, mais non, cela reste à faire, quelle importance? Brouillées les lignes du jardin, qui ne sera pas bien propre et que m'importe? J'ai enfin coupé les vieilles tiges des glaïeuls, Tanguy a planté le poirier offert à Noël -un william bon chrétien- on verra bien. On l'aime comme il vient le jardin, le jardin c'est du temps qui passe, de la terre remuée, des taupinières de glaise molle, la haie de thuyas qu'il faudrait arracher -il est urgent d'attendre. Le jardin je n'y comprends rien -ça qui m'enchante- mais il me connaît bien, il dit les choses m'apaisent, me promet des fruits -ça n'engage à rien- des fleurs pour demain -un jardin c'est toujours demain.

mercredi 27 décembre 2023

Funérailles en boucle

 Est venu l'hiver tiède, l'interminable nuit pluvieuse qui poisse et embourbe. Les chemins ne sont plus qu'ornières où pleurer la mort de Ristat, le printemps perdu sans retour, les chemins sont creux qui recueillent nos larmes, on sourit au souvenir du capitaine des pompiers qui pleurait dans son casque, on se prend à rêver au reflet chromé du casque, comme une lumière incongrue, regarde Marceline, même les pompiers pleurent et le débord de leurs larmes fait trébucher le prince qui en meurt à son tour, ça ne nous console pas de la mort de Ristat.

vendredi 22 décembre 2023

Allumer un feu

Le feu je m'en étais passé après un hiver à brûler des stères, tant de bûches consumées dans l'âtre de l'ancien presbytère, cet hiver froid de mes trente ans, ce qu'il fallait brûler de bois pour dix-sept degrés, j'ai eu froid près de la cheminée, j'en ai charrié des paniers de bois, je revenais trempé de la remise, ça m'avait vacciné, le charme des flambées, la tiédeur douillette des chaumières, pas pour moi, pendant trente ans j'ai préféré les radiateurs, la chaudière, supporté l'odeur du fioul livré tous les six mois. Mais voilà qu'un poêle à bois ronfle dans la salle, qu'il fait bon voir danser les flammes derrière la vitre un peu noircie, que la braise lézarde les rondins, jusqu'à la mélancolie des cendres qu'on verse dans le jardin, vites refroidies, sitôt dispersées par le vent et la pluie, ça fait comme un raccourci, une vie brève, une vanité dans le jour qui tombe et dieu sait qu'il tombe ces temps-ci.