Nicolas de Staël, Face au Havre

Nicolas de Staël, Face au Havre
Nicolas de Staël, Face au Havre

mercredi 19 juin 2019

Balouba chat noir

On nous apprit le jour où le père installa la balançoire verte et jaune, la mort du chat noir, comme ça, ceci compensant cela, il nous fallut payer la joie de l'escarpolette au prix de Balouba. On l'avait baptisé pour nous, on ne nous avait pas dit pourquoi "Balouba" -Baluba de fait, on ne l'écrivait pas. On aurait pu nous le dire, nous n'y aurions pas vu malice, enfants blancs dont les atlas obsolètes coloraient d'un parme colonial des pans entiers d'Afrique -Empire Français, ça s'appelait. Ça aurait pu aller de soi, nous étions des enfants de droite, il fallait appeler un chat un chat, un chat noir Balouba, blancs, noirs, chacun sa place, chacun sa race, tralala rance et pourtant c'était l'enfance.
Nous avons pleuré Balouba, esquinté par des chats normands, à Honfleur, en fin de vacances, l'œil crevé l'oreille manquante, on nous avait promis qu'on allait le soigner, on le fit piquer puis on acheta la balançoire pour contrebalancer, la balançoire verte et jaune pour colorier le deuil du chat noir, escomptant -à raison d'ailleurs- que dans le va et vient -la tête en bas les pieds au ciel, soleil!- de Balouba qu'on aimait tant, de Balouba qu'on s'en balance, quelques larmes, un rien.