La ville au bord de l’eau

La ville au bord de l’eau
La ville au bord de l’eau huile sur toile, 1947 Donation Pierre et Kathleen Granville, 1969 © Musée des Beaux-Arts de Dijon/François Jay © ADAGP, Paris

mercredi 10 novembre 2010

Take care

Quand il dispersera les cendres dans la Seine, criera-t-il ce qu'il souffre de cette voix-là qui fut celle de l'amour ? Se taira-t-il, la bouche désertée, ou sentira-t-il l'écume du blasphème gercer ses lèvres ? L'aimé mort, qui mourait de longue date, comment lui survivra-t-il ? "Je ne prends pas soin de moi", m'écrit-il. Je le sais.
Je pense à cette amie dont le deuil fit pleuvoir des roses sur l'urne de l'amant qu'elle serrait sur son ventre, qui ne disait rien, dont le visage était une écale d'amande, un masque mycénien, puisque morte à l'amant elle ne sentait plus rien du monde des vivants. Elle aurait marché sur des braises elle n'aurait rien senti, leur fils était comme un galet, cette densité, lisse comme un galet, il n'avait pas dix ans mais déjà savait comment faire pour laisser sans prise les grimaces du monde, lisse comme un galet qui coule dans sa propre solitude. Prends-tu soin de toi, Thomas, aujourd'hui ? Ta mère, elle a repris le chemin du jardin. Elle prend soin d'elle, elle est jolie ; cette source en elle, cette force en elle.
Prenez soin de vous. Ne vous penchez pas trop au puits de vos vertiges. Nous attendons votre retour. Vous serez plus graves, nous le savons. Revenez-nous et parlez-nous des morts s'il le faut. Nous écouterons.

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