La ville au bord de l’eau

La ville au bord de l’eau
La ville au bord de l’eau huile sur toile, 1947 Donation Pierre et Kathleen Granville, 1969 © Musée des Beaux-Arts de Dijon/François Jay © ADAGP, Paris

vendredi 19 novembre 2010

En forêt

Il en connaît toutes les allées, toutes les futaies, les parkings à putes, les coins à champignons. Les rythmes des arbres et ceux de la semaine : les ronciers où nichent les grives, les mares gelées de février où sont fichées les branches noires, la lisière à coulemelles, il sait où aller, où être. Il observe les filles qui tapinent dans les camionnettes, les pédés dans l'allée d'Achères, ou derrière la piscine.
Le week-end, c'est promenade en famille, dans les mêmes lieux. C'est cueillette en famille, leçon de choses, le père et ses enfants, c'est tableau de Greuze. Des coureurs traversent les sentiers. Il y a des odeurs de pique nique. Les breaks chargés de vélos se garent aux places où les putes attendaient. Il sort le panier, il sait où sont les cèpes, il évite aux enfants la vue les capotes. La famille ne rentre jamais bredouille.
Un jour de janvier, un samedi gris, c'est promenade en famille, digestion du père, course des enfants. Ils courent, puisque tous les enfants courent, ils courent le frère et la sœur, et s'arrêtent pile devant un vagabond qui dort. Le père qui connaissait tous les secrets de la forêt, le père qui ne se perdait jamais, le voilà qui nous entraîne loin du dormeur –un dormeur gris est un dormeur mort– nous ramène à la voiture, nous y laisse et repart, reconnaître le secret, connaître ce qu'il ignorait, pendant que nos cœurs paniquent. Ce fut notre premier cadavre.

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