La ville au bord de l’eau

La ville au bord de l’eau
La ville au bord de l’eau huile sur toile, 1947 Donation Pierre et Kathleen Granville, 1969 © Musée des Beaux-Arts de Dijon/François Jay © ADAGP, Paris

mardi 16 novembre 2010

Crever

De ce qui dure, rien sans altération. La peau distendue tombe, les mains s’écaillent, les doigts tordus ont oublié jusqu’à leur place sur le clavier. Double vue n’est pas bien voir, mais confronter des perspectives incompatibles. Ni le chaud ni le froid qui soient fiables. Au plexus, le nœud d’angoisse d’une bête sous le couteau. Ne pas reconnaître sa voix dans le cri que profère quelque chose en soi qui souffre, qu’on ne peut pas nommer tant on sait qu’en nommant le monstre, il se libérera, et dévastera ce qui pour l’heure subsiste de ce qu’on fut. Tomber chez soi dès que de retour au premier recoin qu’on trouve, cette impression qu’on crève, mais on ne crève pas, on voudrait crever comme un nuage pour espérer l’odeur des champs après la pluie, pour respirer mais on ahane dans la petite catastrophe individuelle, l’ordinaire douleur de vivre mal.
On craint tout désormais. Il faut un effort sans mesure pour maîtriser son timbre et répondre poliment à quiconque vient vous rappeler des routines. Il faut veiller aux gestes, les ralentir pour ne pas briser les choses, préparer son sommeil avec soin, puisqu’il ne nous est plus donné de dormir. On connaît par cœur toutes les heures qu’affichent les chiffres rouges du réveil, on hésite à se lever, on se lève on ne sait pourquoi, mais couché le cœur bat trop fort, et l’on divague, et l’on bat une campagne grise écrasée sous un orage qui n’éclate pas.

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