Les morts nous habitent, leurs mots nous possèdent et nous n'y pouvons rien. Place alors, aux âmes, aux mânes, aux ombres que notre bouche abrite, ayons le cœur gros de leurs vies effacées, et leurs paroles trahies, leurs serments dépassés, faisons-les nôtres, car leurs passions valent celles qui nous animent : cela nous pouvons l'entendre, quand bien même nous ne reconnaissons plus le goût de leurs pensées-poussières.
Je n'ai pas le choix. Je parle la langue des morts, je traverse pieds nus les braises du désir. Aïeux, je vous tiens dans mon ventre, mon plexus est grave de toutes les crampes de l'histoire. Aïeux, je vous parle, vous êtes langue à mon discours, j'attends de vous pour cet effort un nom d'avant le nom du père, un nom comme un berceau où couler mon amour. Je vous bois, aïeux, vous m'êtes vin nécessaire, les soirs amers dont je suis la Pythie fourbue.
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