La grand-mère au chignon érectile nous accueillait avant son édification, en cheveux, au petit déjeuner, nous faisait manger dans la cuisine de la grande villa où le soleil donnait déjà sur le petit escalier de granit. Combien d'épingles pour ce chignon-là? Une broche pour fermer mieux encore le chemiser surboutonné, un sourire mesuré: elle était habillée. Notre mère était fatiguée, notre mère devait se reposer, il était trop tôt pour se baigner -cette famille de médecins, cette famille malade craignait l'hydrocution. La sieste de maman, la grand-mère au chignon cendré y veillait comme lait sur feu (nous étions le feu?) et du déjeuner jusqu'à trois heures, pour une éternité nous étions confinés dans notre chambre, voués à l'ennui, sommés au silence: la grand-mère au chignon sans toupet avait l'autorité taiseuse. Et, enfants dociles nous attendions entre livres et chuchotements que maman nous revienne de son sommeil, de cette fatigue dont clairement nous étions coupables, et ce confinement la punition de notre faute originelle. Le malheur de maman, j'entends son malheur de femme, les crimes du père, on ne sut jamais ce que, sous le chignon argenté, la grand-mère en pensait. Tu sais, je crois qu'au fond, elle pensait peu mais défendait le nœud de vipères qu'elle avait engendré.
Le ravaudeur n'a pas collecté toutes les pièces du puzzle. Le ravaudeur ravaude, j'entends par là qu'entre les morceaux de sa peine il suture, et que suturant il renonce à l'unité de ce qu'il rassemble et sa tâche c'est de faire tenir ensemble, et son travail un manteau d'Arlequin.
La ville au bord de l’eau
samedi 30 septembre 2017
jeudi 21 septembre 2017
Me revient de dire
Ce qui demeure, l'indiscutable, je peux en parler, dire comment lors de tes dernières semaines tu fus l'implacable, la vérité-même pour tous à propos de chacun, et c'était une lucidité malheureuse d'impuissance. A tes enfants seuls tu épargnas tes craintes, à chacun tu écrivis un talisman pour les protéger au futur, encore un peu, jusqu'au bout du bout de tes forces. Cassandre ce n'était pas toi, tu ne fus Cassandre que mourante, mais en effet tout s'est abattu comme prévu par toi, je n'avais pas trop voulu l'entendre, les échecs, les deuils de provision, les petites pulsions de la médiocrité, les trahisons de mauvaise bonne foi, tout a eu lieu exactement comme tu le craignais, tout est consommé. Cassandre ne maudit pas, elle dit juste le malheur, en souffre, et nul ne la croit. Tu fus Cassandre quelques jours, ces quelques jours qui me reviennent quand je regarde autour de moi, que c'est désolation, cendres, statues de sel.
Je me souviens alors que tu ne voulais pas de cela, là aussi tu avais été claire. Me revenait de dire, te dire toi dans l'ombre, la lumière, ce que tu m'as demandé, ce que je t'ai promis. J'essaie, et quand partant vers d'autres paysages partagés, s'offrent des fenêtres ouvertes sur des plages ou des fleuves aux bleus affolants, mi-Klein, mi-Patinir, me revient une enfance d'une couleur outrecuidante, je me relève alors et je tiens parole.
vendredi 15 septembre 2017
Près de Brest
Cet été là, mes dix-sept ans, tes presque seize et nous partîmes, Corinne, la cousine intime, la quasi sœur avait l'année de plus et le permis. Nous prîmes la 104 de maman, une tente minuscule pour nous trois, pas moyen de se retourner, on y dormit mal, peu importe c'était la première fois qu'on partait ainsi, en liberté parcourir la Bretagne, liberté surveillée, étapes familiales, des gîtes assurés, la tribu idéale. Au moins quittions-nous les maisons du Croisic, au moins c'était l'auto et plus les bicyclettes, passer par Penerf, pousser jusqu'à Brest, il y eut la beauté de l'étier et l'élégant logis de la tante Marie -on ne savait pas ce qu'on sait aujourd'hui, il y eut la beauté de la maison du Relecq-Kerhuon où Linette, que nous n'avions jamais rencontré, nous attendait, elle aussi belle que sa maison, nous les enfants de ses cousins que la famille lui expédiait sans plus de façon. Linette Théréné, je retrouve son nom, une belle veuve inconsolable et gaie, le défunt peignait des marines, il y en avait plein la maison, elle y vivait avec son frère, très âgé pour un trisomique, petit Claude on le surnommait, il lisait passionné le Journal de Mickey, très fier de lire, très joyeux. Et le teckel aveugle circulait au salon. Linette, elle n'a jamais voulu qu'on plante la tente dans le jardin. On avait dormi chez elle, poussé les meubles, Corinne et toi dans une chambre, moi sur un matelas posé dans le salon. Au matin le vieux chien aveugle s'est cogné aux pieds des tables déplacées quand nous mangions au petit-déjeuner des craquelins, du miel, du beurre salé. Avions-nous remercié Linette Théréné, la cousine souriante des pères que nous avions, la veuve du peintre breton dont le nom orne le fronton de la salle omnisports du Relecq-Kerhuon? Il me semble que non, il me semble que tu aurais aimé que je répare cet oubli, que Linette ait droit au merci que méritait sa bonne grâce, sa bonté joyeuse.
dimanche 10 septembre 2017
Pas de revenante
Tu aurais pris -c'est ainsi qu'on dit par ici- cinquante-trois ans cette semaine, et comme à chaque anniversaire je contourne au mieux la douleur, je m'interdis les questions qui rongent, je dresse mes petits barrages, ménage mes déviations, c'est le rituel inutile: la douleur revient, elle connaît tous les chemins, avec elles les questions vaines qui taraudent, c'est donc ça te survivre? Dans ce monde d'après toi, il y a quelque chose du Royaume de Danemark, une chandelle une tulipe un crâne, plus Champaigne que Baugin. Pourtant, tu sais, j'ai gardé le goût des fruits, des sorbets, je n'ai pas trahi nos joies d'enfants, je vais retourner aux champignons, il a plu des seaux les jours derniers, il faut maintenant un peu de lumière dorée, de la tiédeur dans les sous-bois, l'humus est prêt. Je ne me retourne pas tu sais, me retourner serait admettre que je t'aie laissée, que tu serais derrière moi, rien de tel, cette sottise-là je la laisse à d'autres qui font leur deuil, qui avancent, qui tournent la page -ta page je l'écris toujours- ceux-là ont si peur de crever, si la mort était contagieuse? Cette idée seule leur fait claquer des dents. Je te porte en moi et je sais intimement que la Mort n'est pas dans les morts mais dans les gestes des lâches et des oublieux qui ne savent faire ni avec ni sans, qui ne survivent qu'en tremblant que les morts reviennent et tirent les pieds des vivants. J'en aurais une joie païenne si tu revenais de la sorte me tirer par les pieds ce seraient jeux d'enfants mais je sais trop car je te porte que les revenantes ne sont que les ombres des remords de ceux qui ne surent pas aimer: pour que tu reviennes il aurait fallu que tu partes, or c'est en moi que tu demeures.
lundi 4 septembre 2017
Dead Man
Nous avions vu, nous étions jeunes encore, dans un tout petit cinéma -il en existait tant!- près de la mosquée de Paris si ma mémoire est bonne, tu t'en souviendrais, un homme en noir et blanc mourir sans le savoir, voyager sans rien voir que sa propre myopie dans les arpèges électriques d'un fantôme de western, un spectre de poète anglais. Stupid white man disait, si je me souviens bien, un gros indien qui citait William Blake tandis qu'un autre, qu'on ne voyait pas, tendait sur le récit les arcs de sa guitare. Jamais il n'avait été donné, dans un noir et blanc d'outre-tombe, à voir semblable catabase, et jamais spectateurs nous n'avions jusque là cru marcher parmi les morts, entre massacres et trophées, la tête de Mitchum aux cheveux gris beurrés comme un pharaon du Far-West, un fantôme d'après le western, des animaux dont il ne restait, une fois l'homme blanc passé, que des fourrures, des peaux tannées, des bois qui ornent les cheminées. La leçon, nous l'avons comprise, prise pour nôtre, ce qu'il disait ce film d'os, de crânes écrasés et de vers récités, c'est qu'à peine né on est déjà mort, même les jeunes gens sont des fantômes consentants, qu'il faut remonter le temps dans d'improbables chemins de fer, mais que les fleuves, on les descend allongé dans un canoë, on ne franchit pas le Léthé, on en suit juste le courant; il est juste de s'effacer lorsqu'à l'estuaire l'océan vous prend, qu'on en est glacé, mort depuis longtemps, bercé par les vers que dit le gros indien, et longtemps ces images sont restées en nous, même si nous n'en parlions pas souvent.
lundi 28 août 2017
La tête haute
A Houlgate il faisait bon hier, jusqu'à l'eau presque tiède, réchauffée par les sables franchis par la marée, tu savais ça aussi, un souvenir de tendre enfance: ici en Normandie, l'eau n'est pas bonne tous les ans, mais lorsqu'elle l'est c'est maintenant, lorsque août tutoie septembre sur la côte fleurie. Je me suis baigné, j'ai nagé, séché dans la lumière de fin d'été, les parisiens parlaient de retour, n'avaient pas envie de rentrer. Ce sont ces moments-là qu'il faut guetter, saisir, comme vivante tu savais le faire, comme malade tu le sus mieux encore: je n'oublie pas la leçon, et moi qui n'étais pas amateur de baignade je nage quand je le peux, et chaque brasse m'évoque les tiennes, celles où petite encore tu tendais le cou pour ne pas mouiller tes cheveux, tu avais des brassières gonflables, ton cou tendu interminable, des épis blondis par le sel. C'est à ces brasses que j'ai pensé hier, à ce qu'elles disaient de toi petite fille fragile et fière, d'une dignité blessée, d'un port de reine aux cheveux trop courts.
jeudi 24 août 2017
Itinéraire bis
J'ai pris la vieille route qui longe la Risle, depuis Pont-Audemer, celle qu'aimait Duras, celle qui ne mène pas mais qui contourne, entre Quillebeuf et Trouville elle titubait avec grâce, Duras. La Risle on la quitte lorsque l'estuaire s'annonce, tu connaissais tout ça, nous l'avions prise ensemble, La Risle est limoneuse à tendre vers la Seine elle s'envase, c'est un paysage incertain de chaumières trop soignées aux pelouses psychotiques, de bâtiments en ruines, de canots échoués, une débauche de géraniums aux bords de fenêtres fatiguées, je ne sais pas quoi en penser, c'était jadis une de mes routes préférées, fléchée Honfleur par l'estuaire, une façon de ne pas y arriver trop vite, jadis j'aimais retarder, prendre la route buissonnière, le chemin des écoliers qui évite les zones commerciales les hôtels de périphérie et les pizzas à emporter, Honfleur c'est un décor mi Bruges mi Saint-Tropez, ce n'était pas comme ça quand tu y es née, il ne faut pas y aller l'été, alors j'ai évité Honfleur, je suis rentré par Toutainville, le nom ne te dirait rien, mais la maison à tourelle si, c'était, pour nous autres enfants à l'arrière de la Ford Taunus, le signe que bientôt, nous serions arrivés, moi je m'éloigne, me voilà rentré.
mardi 22 août 2017
Excursions
Lorsqu'elle allait bien maman, c'était loin d'être tout le temps, mais tout de même parfois, quand elle n'était pas trop laminée par le père, elle nous emmenait en promenade, en excursion, c'était toujours joli, amusant les promenades de l'après-midi quand maman s'arrachait du lit, de la mélancolie, de son malheur de femme. C'étaient des lieux choisis, des chemins charmants, même dans les endroits qu'elle n'aimait pas tellement -je pense à Baulon où nous allions peu de toute façon- elle trouvait près de la Chèze un petit pont de bois branlant qui franchissait un fossé sous la futaie, et nous passions le précipice, et nous étions qualifiés, ravis, preux et rieurs. C'étaient des goûters dans les douves de Provins, c'était le raidillon qui montait à Grâce, nous y arrivions en sueur, fiers de nos exploits de grimpeurs, essoufflés dans l'ombre de la chapelle encombrée d'ex-voto, heureux d'être sortis pour un temps du jardin de Honfleur, étonnés de voir en face le port du Havre comme un monstre attirant, lointain -c'était avant le grand pont, nul n'allait jamais au Havre, ville rasée, ville laide aux mains des communistes, il n'y avait rien à y voir rien à y faire à en écouter grand-père, pourtant, ça nous faisait envie, l'autre rive, mais jamais ni lui ni maman ne donnèrent la pièce qui permettait d'enclancher la lunette au point de vue panoramique: on voulait voir de plus près.
samedi 19 août 2017
L'oreille dressée
Que te dire du monde qui, si tu m'entendais, ne te ferait pas mal? Je t'épargne l'inventaire affligeant des massacres, des naufrages, des contaminations, des extinctions d'espèces. Il reste encore ici -mais pour combien de temps?- la douceur des campagnes, la pointe noire de l'oreille dressée du lièvre qui va fuir au débord du champ labouré, le soupir de la chouette, ces signes, ces traces qui n'intéressent plus personne, on ne sait s'il faut s'en louer, l'homme moderne ne sait rien des empreintes, du flair et de la brindille foulée. Il vaut mieux se terrer au gîte, ne pas faire le beau, artiste de la planque le lagomorphe ne bondit que découvert. Dans ma vieille maison, mélange de celles des trois petits cochons, paille, bois, briques, j'attends des loups multiples, ne sais lequel la soufflera, mais j'ai l'espoir secret qu'à mi- pente, sa modestie la camoufle et que la meute passe sans la voir, au moins les premières fois. Tu sais, je suis un vieux lièvre las de courir -les levrauts ne courent pas, ils n'en ont pas besoin, les levrauts n'ont pas d'odeur qui les trahisse- un vieux lièvre qui se tient là au gîte, attentif à tous ces signes qui ne disent rien qui vaille.
vendredi 18 août 2017
Des enfants soignés
Bobos, écorchures, pinçons brûlures, genoux couronnés, ampoules, verrues aux pieds, coliques gros rhumes petites toux, sans compter la galerie des maladies obligatoires à plaques, à boutons, à rougeurs, à fièvres, à douleurs, nous avons pris notre part, nous avons partagé les chutes et les microbes, mais pas en part égale: il y avait quelque injustice à te voir toujours plus malade que moi, injustice ambigüe car si je te plaignais d'une varicelle tenace qui t'éprouva petite, où tu fus héroïque en ne te grattant pas, elle te maintint au lit deux semaines, alors qu'à mon grand dépit la mienne m'abandonna au bout de quelques jours et je dus retourner à l'école, un peu envieux que tu aies toute la journée notre infirmière de mère pour toi seule. Les maladies infantiles, tu les fis en grand, je les eus en passant, seule exception les oreillons dont seul j'ai souffert. Nous fûmes des enfants soignés, vaccinés, médiqués, la pharmacie de maman pouvait nous semblait-il guérir tous les maux de la terre, ils aimaient les médicaments, les enfants de l'infirmière, moins que l'infirmière cependant. Sirops sirupeux efficaces et dangereux, pommade pectorale, suppositoires expéditifs à l'odeur humiliante de camphre, comprimés beaux comme des bonbons, désinfectants rouge orange ou rose, charbon actif noir et sucré, nous fûmes enduits, humectés, pommadés, pénétrés, tamponnés, désinfectés, pansés, il ne pouvait rien nous arriver, nous étions des enfants soignés, aseptiques, d'une moderne propreté, dont les agents s'appelaient Mercurochrome, Théralène, Pulmofluide, Normogastryl, Néocodion, Merfène, bleu de méthylène, aspirine, dakin, et toute la sainte famille des antibiotiques qui nous assurerait l'éternité, pas moins.
mercredi 16 août 2017
L'été 76
Il y a eu -ainsi je m'en souviens, ainsi je le raconte- un été au Croisic chaud comme les étés d'aujourd'hui, de ceux qui bientôt nous feront étouffer jusque dans le bocage, dans l'ombre d'ici, noisetiers grillés, mares évanouies. Mais en 76, on croyait encore à l'accident, à l'anomalie, on accueillit canicule et sécheresse comme on regarde une comète ou une pluie de grenouilles, et Giscard en fit un impôt, dit-on. Nous, l'enfance inconséquente, cette chaleur nous l'aimions -cette année-là nous avons cuit dans une maison de location mal isolée qui jouxtait un entrepôt de cercueils dont le menuisier faisait l'article aux familles éplorées. On nous autorisait à veiller jusqu'à la fraîche, et la fraîche tardait jusqu'à minuit parfois, nos premiers minuits sans la messe, et les étoiles s'offraient sans un frisson de vent, parfois même la fraîche ne venait pas vraiment. Tu l'avais aimé, cet été là, tout particulièrement, car Franz, le grand cousin, -ton préféré je crois- était venu de Suisse, il était joyeux, drôle, on riait tout le temps dans la canicule. Il vient d'avoir soixante ans me dit sa vieille mère, les canicules ne font plus rire personne et c'en est fini des peaux bronzées, de l'insouciance.
dimanche 13 août 2017
Campagne et jardin
Nous ne fûmes pas vraiment des enfants des champs, pas des petits paysans non, mais nous aimions le calme des jardins des maisons forcément bourgeoises. C'était le père qui jouait le rustique parce qu'enfant de la guerre il avait gardé quelques vaches dans les prés, ça nous embarrassait cette posture, ce rapport à la nature si clairement de droite, où "la terre ne ment pas" mais pue toujours un peu, où l'on se ment en paysan alors qu'on est le fils du médecin de campagne, où l'on croit connaitre les bêtes parce qu'on les chasse, comme on se déguise en pêcheur sur le quai du port du Croisic au point de tromper les touristes, ce serait trop long l'inventaire des paravents du père, peut-être y croyait-il vraiment? Le puits sans fond de ses mensonges, je ne m'y penche jamais trop, tu approuverais: trop longtemps qu'il s'y est noyé. J'aime la campagne, j'y vis depuis longtemps, sans me prendre pour un paysan, juste parce que j'aime le calme -mais je n'ai pas de jardin, je ne sais pas m'en occuper. Tu as toujours vécu en ville, et très vite avec un jardin, un petit jardin pour les enfants, des enfants urbains, pas du tout des enfants des champs.
jeudi 10 août 2017
Pierres lave lauze
Dans la maison de pierres de lave, de lauze, au jardin bruissant d'insectes, je lis Sister de Savitzkaya, j'aime le texte, pas le titre, et bien-sûr je pense à toi, sans raison véritable et tant mieux: il ne dit rien de nous ce texte terrible, il dessine un possible de la sœur / du frère et du schizophrène, du lien brisé que je n'avais jamais imaginé, tant il est vrai qu'on imagine depuis soi, il ne dit rien sur nous tant mieux, ou alors en creux, la chance d'avoir été comme deux doigts de la main, différents, solidaires et confiants, deux doigts, trois adjectifs, je m'arrête là. Je t'avais fait lire Savitzkaya, ses petits livres aux noms d'enfants, Exquise Louise, Marin mon cœur, tu avais aimé, c'est si dur d'écrire les enfants, chez lui rien de gnan-gnan, du sensuel, du sensible à hauteur de trois pommes, confitures, parquets craquant, je ne sais plus de quoi je parle, de Savitzkaya, de la maison de pierres, lave, lauze, aux lambris qui craquent ? Depuis la fenêtre je vois les forêts, les sucs et les désastres de basalte. Tu n'es jamais venue par ici. C'est un pays qui a connu la fin du monde quand un autre monde a poussé, il y a douze millions d'années. Les pentes en sont encore secouées, le pays s'en est remis, pas d'aplomb mais remis. Tu aurais aimé la maison que j'ai louée, il y a de bons livres, de vieux CD et des vues sur les pierres aux colères adoucies, des bois qui doivent être sombres en hiver et rappeler la peur du loup. C'est une maison de famille, il reste dans la bibliothèque des albums que je n'ouvrirai pas, pas besoin pour comprendre ça, une maison de famille, de secrets et de friandises, avec un baby-foot pour les enfants, si jamais il pleuvait, comme jadis, dans la grande villa du bord de mer, Jean-René s'énervait quand il jouait jusqu'à suer du front, cela nous étonnait, tu t'en souviendrais.
C'est une maison où tu manques, tu manques à toutes les maisons, c'est une maison de famille, j'entends par-là une maison d'où je regarde par la fenêtre, pour le cas où -c'est vain, je sais- pour le cas où tu reviendrais.
samedi 15 juillet 2017
Sixième extinction
La sixième extinction tu ne sauras pas, tu es morte avant le dernier guépard d'Iran, le dernier pangolin, les alouettes il y en avait tant qui peuplaient notre ciel d'enfants, qui chantaient à la verticale de leurs nids -les alouettes nichent en plein champ- jamais on n'aurait cru qu'à leur tour, qu'elles aussi viendraient à manquer dans mon ciel d'homme, seulement tu as manqué avant, mon ciel est un grand manque, mon ciel est vide d'oiseaux, mon ciel anticipe la sixième extinction. Il resterait vingt ans, peut-être trente, pour sauver les abeilles, les martinets et les moineaux, les bêtes ordinaires y laisseront leur peau sinon et nous serons les artisans de la sixième extinction, pas toi, tu es morte avant, mais tes enfants la connaitront mieux que moi -j'aurai touché mon terme- et les enfants qu'ils feront, s'il faut souhaiter qu'ils en fassent, peut-être qu'ils méditeront la chanson de Ziggy Stardust, celle où il ne reste que cinq ans pour pleurer -Earth was really dying- se résigner à la sixième extinction.
vendredi 14 juillet 2017
14 juillet, pour inventaire
La nuit dernière j'ai entendu les pétards des feux d'artifice, d'où venaient-ils? Pas du village, et peu importe. J'étais à moitié endormi, j'ai pensé au Croisic où nous allions en famille crier à la belle bleue, après avoir guetté sur la petite télé de la villa de pierre la silhouette du père sur ses engins blindés, il était militaire il était cavalier, il fallait être fier du père qui avait tué, il était officier, il était décoré, colonial et amer le père qu'on admirait, qu'on guettait dans le défilé sur ses E.B.R.. Pour toi nul ne savait, pour la guerre c'était à peine plus clair, il avait gardé des clichés, des morts aux visages de berbères, des morts aux mains de bergers, des morts aux yeux ouverts de fusillés, il a fallu attendre bien des années bien des leçons d'histoire pour y voir plus clair en effet, savoir de qui on était né, une manière de meurtrier, d'exécuteur de corvée de bois, qui fut inculpé pour avoir tué pendant la trêve, qui fut décoré un 14 juillet par un de ses pairs qui m'a montré sa queue et qui m'a demandé Comment va ta mère?. Je n'aime pas tu sais les 14 juillet, je n'aime pas la Marseillaise, je n'aime pas les militaires, ni ceux que la mort fait bander.
dimanche 9 juillet 2017
Rien voilà l'ordre
Je ne fais pas de bruit ce soir, c'est la petite cérémonie dominicale, je te parle, il pourrait pleuvoir, le ciel est gris le temps lourd, un âne braie qu'on entend de loin. Une femme au Havre me parlait hier des géants je n'entendais rien, je deviens sourd, ils étaient revenus pour les cinq cents ans du port de Grâce, je ne fais pas de bruit ce soir, ils furent machinaux les géants, mais dieu que cette ville est belle, tu l'aimais aussi, le musée la plage les vitraux de Saint-Joseph et le café du bout du monde. Les géants se sont un peu répétés, pas la magie d'antan, la magie d'antan c'est raté, nous sommes d'après la magie, quand la machine s'est installée, le perlimpinpin se disperse. Il vente toujours par le Havre, alors c'est à toi que j'ai pensé par les rues, tu aurais aimé la joie des gens bigarrés qui suivaient la marche du scaphandrier, tu aurais aimé voir dormir le petit géant noir, mais tout comme moi, t'auraient glacée la clameur, les applaudissements: le peuple assemblé, tout bigarré qu'il fût, célébra la police qui fermait le ban plus que les artistes de rue, la foule voulait l'ordre, elle l'eut, qui règne sur nos joies désormais contenues, sous contrôle.
vendredi 7 juillet 2017
Frère et soeur
Nous les trouvions bruyantes, les grandes familles d'autrefois, les fratries du père et de maman, ces oncles et tantes à la douzaine, ces cousins si nombreux qu'on ne les connaissait pas tous, mais il fallait faire comme si, que nous n'aimions pas tous -il aurait fallu faire mieux nos aimables, nous n'avons pas su, pas voulu, qu'importe, ces familles nous encombraient, surtout l'été, ces grandes tablées, le concert des sœurs de maman qui riaient trop fort, pas méchamment mais trop fort, les chansons des frères du père (à eux les rires gras, les mains baladeuses, les plaisanteries déplacées). Avec la cousine boudeuse (elle avait raison de bouder) nous regardions la comédie se dérouler, nous en avions honte, quoi, nous étions de ce monde-là? nous aurions donné n'importe quoi pour être ailleurs ces moments-là, se délier de ces gens-là, lorsqu'avinés les oncles chantaient le pas d'armes du roi Jean, qu'ils chantaient en meute Nous qui sommes, De par Dieu, Gentilshommes De haut lieu, Il faut faire Bruit sur terre, Et la guerre N'est qu'un jeu et meute ils étaient, de fait et pas qu'un peu. A bien y réfléchir ce qui nous hérissait, c'était de subir ces chœurs de frères, ces fous-rires de sœurs, ces pluriels impensables de tribus archaïques: j'étais ton frère, tu étais ma sœur, c'était tout, c'était singulier, unique, c'était suffisant: ça, nous savions le signifier, que seule la cousine boudeuse comprenait.
lundi 3 juillet 2017
Le gras du jambon
Et lorsqu'à mon tour tombé mort, nul ne te parlera plus d'enfance, et qu'oubliés seront nos peurs, nos gourmandises, nos dégoûts -la peau du lait, le sucre fondu dans le beurre des crêpes, le gras du jambon, le parfum des fraises des bois qui changeait selon qu'elles avaient poussé à l'ombre ou non, le ténia du renard qui nous menaçait puisqu'on avait mangé les fraises des bois à même les bois, sans les laver, les fils des haricots verts et de la confiture de rhubarbe, verte elle aussi -tu le mangeras pour ton dessert râlait la grand-mère devant le gras qu'on délaissait sur le rebord de nos assiettes, elle avait traversé deux guerres, laisser du gras, ça ne se faisait pas, ça ne va pas te boucher disait-elle parfois, bien sûr que non, mais on n'aimait pas ça. Lorsque tombant à mon tour seront ensevelies avec moi les traces du sel sur nos maillots de bain, la peau pelée des coups de soleil, les gerçures de tes lèvres au froid, lorsque sera tournée la page qui ne tournera qu'avec moi -car j'aurai tenu parole- certains sans doute en seront soulagés. Si triste de penser cela, que ta mort lasse, que ton souvenir puisse peser, que d'aucuns travaillent à l'oubli, comme si l'oubli c'était affaire de volonté, comme si l'oubli ne s'accomplissait pas, quoi qu'on en ait: je ne fais que le retarder.
samedi 1 juillet 2017
Ca se lève
Le retour de la pluie ne m'ennuie ni ne me réjouit, c'est sur les ardoises le petit bruit de l'ouest, si elle n'était morte maman aurait dit je vous assure que ça se lève, nous aurions souri, sous la pluie, un peu transis, les pieds sur le sable jauni de l'averse à regarder la mer salie par les nuages noirs, bleu-gris, les vagues vertes gercées par la herse de la drache (ce n'est pas un mot d'ici, mais il cingle comme il faut, il glace et hache, c'est ainsi qu'il pleut aujourd'hui). Ca va se lever, ça se lève répétait maman, bien seule à y croire sous les nuages noirs, comment occuper les enfants, il y en avait des compagnies, des grands, des petits, les siens, des neveux, des cousins des amis, les emmener à la crêperie, sortir les jeux de société, Mille Bornes, Scrabble, Monopoly, les jeux de cartes, pas de disputes, pas de cris, maman jouait, tu gagnais toujours, elle perdait joyeusement en regardant de temps en temps par la porte-fenêtre, prête à l'ouvrir au premier signe d'éclaircie et nous envoyer prendre l'air.
lundi 26 juin 2017
Le goût des framboises
Il a fini par faire moins chaud, mais rien de plus éloigné du débarquement que ces jours de plomb où chacun sua par la campagne et jusque sur la côte, on ne sait pas faire avec ça sous nos climats, nos climats ne s'en remettent pas de ces chaleurs-là; Rouen on dirait Bordeaux, tu n'y croirais pas si tu étais là mais tu n'es là qu'en moi, et c'est déjà trop pour les autres, je le sais, je ne pardonne pas. Le chien roux, fou qui court sur la pelouse et m'accueille chez Patrick, tu ne le connais pas mais il te ferait rire puis te fatiguerait de son épuisant enthousiasme, mais il aime le monde entier et n'obéit qu'à sa joie. Lorsque je suis entré, il a couru près de la voiture, a gambadé autour de moi, m'a un peu léché mais pas trop, il avait chaud encore, il se ménageait. Nous avons diné dehors sous le cerisier il faisait tiède, c'était bon mais étonnant pour un juin normand. En guise de dessert, nous avons cueilli des framboises à même les framboisiers, Patrick en a beaucoup, ils ont bien poussé, ils croulent de fruits. Les fruits sont assez petits mais sucrés, la sécheresse sans doute, je ne sais, j'ai pensé à nous, à Honfleur, on aimait faire les étourneaux et s'abattre sur les fruits rouges, à la volée. Les framboises sitôt cueillies sitôt mangées, les bouts des doigts tachés de rouge j'ai pensé à toi, je les ai mangées pour toi, et j'ai regretté ton absence, et je t'ai dédié la douceur des framboises jaunes dont enfants nous ignorions tout.
mardi 13 juin 2017
Je te parle
Est-ce que t'écrire c'est parler tout seul? Une manie de vieux cinoque, solitaire atterrant je continuerai tant que tu te tairas. Je te parle, je persiste, je ne parle pas de toi, pas tant que cela, je te parle, j'entends par là, dans ton silence, qu'à ton corps disparu, qu'au rien des souvenirs usés je substitue un corps de mots, un manteau de langage. Cette offrande naïve j'en sais la vanité, c'est celle dont on sourit à voir dans les églises castillanes les capes dorées des madones qui jurent sur les champs brûlés de juillet. Je n'ai rien de mieux à donner, je ne sais rien faire d'autre, je me remets au métier, je recouds ce qui est déchiré, ça se voit que c'est recousu, ça s'entend que je te parle, c'est gênant les cicatrices quand on voudrait qu'il n'y paraisse plus.
lundi 5 juin 2017
Images fantômes
Je ne sais plus si bien Villepreux ni Provins, encore plus loin Mulhouse, Mourmelon plus rien, Paris ce qu'on m'en a dit, la rue de Béarn, la fuite au plafond, les promenades Place des Vosges. Avant, ça ne compte pas, avant, tu n'étais pas née. Ces lieux je les oublie autant qu'ils disparaissent, ces lieux nous y avons vécu ils sont méconnaissables, Le Marais, la rue de Béarn, ce dont je me souviens ça sentait le pipi jusque sous les arcades.
Je ne veux pas fouiller, mais que ça me revienne, pas creuser je ne suis ni fossoyeur ni archéologue, ce que je veux, la résurgence, pas descendre, que cela remonte, ni catabase ni catacombe: elle est trop violente ma lampe de vivant, et malheur à celui qui cherchant des ombres les éclaire. A percer le mur du passé, il tue jusqu'au souvenir de ce qu'il suscitait, pigments saisis sous la lumière brutale des torches électriques, fantômes blessés qu'on approche mais qu'on n'embrasse jamais, c'est à jamais qu'ils s'évanouissent, et s'ils nous quittent ainsi, c'est qu'à vouloir les surprendre on les a trahis, à révéler les fresques de la crypte on les efface en égoïstes.
Alors j'attends que tu me reviennes, je suis le seul je crois à t'attendre de la sorte, pouvoir t'attendre ainsi car seul je reconnaitrai tes gestes d'enfance, tes secrets, ta façon d'habiter les lieux. Rien de désespéré, peut faire retour à tout instant une image fantôme, une saveur un mot de toi que je retrouverai, qui me retrouvera.
lundi 22 mai 2017
Cendre des cendres
Afin qu'il ne reste rien ni de l'air ni du refrain ni de ta mèche épi, ni de tes jambes comme ciseaux s'entortillant dans l'élastique de l'enfance, de ton enfance se défaire afin que vivent les vivants peut-être faudrait-il admettre que tu n'es plus rien je ne peux pas, m'y résoudre impossible j'ai ta voix dans ma tête, tu chantes faux c'est bien toi je ne peux pas ta voix résonne en moi je suis l'escalier d'un château vide. Il faudrait peut-être renaître, ça serait plus sain, une vie sans toi sans le poids de ta mort, on ferait semblant de rien pour qu'il n'en reste rien, la peine un mauvais rêve, on s'en souvient à peine on a dormi toutes ces semaines on ne se souvient de rien. Celui qui se souvient sans doute il le veut bien qui marche sur des cendres chaudes, se trace un chemin de corne brûlée, sachant combien sont comptés ses pas de l'aube à l'aube s'en aller sur place, laisser la place enfin, s'effacer, qu'il ne reste plus rien.
vendredi 19 mai 2017
La peau du lait
Rien ne m'appartient, même pas le manque le vide que je m'acharne à circonscrire, qui me contourne et me déborde, lait brûlé sur le feu -tu n'aimais pas petite, la peau du lait qui se froissait sur les bords de la casserole, il fallait le passer, tu pouvais en pleurer, boire la peau du lait c'était le bord assuré de tes larmes, un drame d'enfant, de chocolat brouillé de phobies indistinctes. Le lait ce n'était pas l'image que je cherchais, mais celle qui t'a trouvée, que je n'attendais pas, toi, la peau du lait, je n'aimais pas le lait, peau ou pas, maman ne nous allaita pas, le lait, maigre ou gras, peu pour moi. Ces soirs où le manque me gagne, où le vide m'emplit, me dépossède du langage et du goût des fruits, rien ne m'appartient plus du temps que nous étions, goût de fraise des bois, jaune des corètes du Japon, si je t'écris c'est de guingois et parfois il me semble que je suis ce canard sans tête qui courait dans le champ de Denise, se survivant sans savoir pourquoi, se survivant pour quelques pas.
jeudi 11 mai 2017
La fête est finie
Alors rien qui ne soit fêlé. On rit encore, maman a ri une semaine avant sa mort, j'ai toujours su vous faire rire, mais aujourd'hui rire m'est effort, j'y consens mais je sais qu'aucune joie n'est pure désormais. Je pense à toi, à vous, comme aux absentes du bouquet, fadeur des plats et des parfums vagues, et pourtant j'ai le goût de vivre, c'est vous survivre qui me déplaît. J'ai beau faire comme si, la fête est finie, vos voix s'éloignent, vos rires ils sont partis je ne sais où, et les airs aimés, évanouis avec vous, je les oublie chansons niaises sublimes mélodies, tant pis je déchante et vous en auriez été désolées. Rien qui ne soit fêlé, nulle joie sans regret de ne pouvoir la partager, rien qui ne soit mêlé d'une veine d'indifférence, la fête est finie, impuissance à vous susciter, j'essaie pourtant. Partis en quenouille, le bal et la danse, on ne roulera plus carrosse, je dis carrosse, pense citrouille, où est passée la noce? Elle a filé en douce, la vie, dans vos souffles appauvris mes héroïques cancéreuses, elle a coulé comme sable entre vos doigts trop maigres et vous tenant la main je n'ai pas su le retenir, souffle court, soupir, rire encore, vous faire rire, rester seul, embrasser des fantômes.
dimanche 7 mai 2017
L'oiseau sur la tête
La dernière photo de maman, en septembre, je m'en souviens je l'ai perdue c'était -puisque tu ne l'as pas vue je la décris- à Branféré, le parc zoologique, elle y conduisait un tricycle électrique. C'est une infirmière de l'EPHAD qui l'a prise, en a fait un tirage sur une feuille A4, la lui a donnée. Elle me l'a montrée en octobre, la photo la faisait rire. C'est une photo singulière, l'infirmière a saisi le moment où maman sourit, surprise: un oiseau s'est posé sur sa tête, elle n'en a pas peur, elle n'a plus peur de rien elle accueille elle sourit à deux mois de sa mort l'oiseau égaré qui n'a pas peur non plus, l'enfance revient, j'ai plaisanté en la voyant, évoqué Saint François d'Assise, ça l'a fait rire à nouveau, et le rire lui fit mal, la tumeur malmenée se rappelant à elle. De la photo nous n'avons plus parlé, et j'ai pris garde à ne plus la faire rire.
lundi 1 mai 2017
Le mal est fait
Le jardin des fruits n'eut rien de l'Eden, ou si l'Eden c'est l'ennui, alors peut-être en fut-il ainsi. On nous lâchait dans le jardin, on nous enjoignait d'aller jouer, maman redevenait fille de sa mère, quant au père il partait marcher loin, nous n'étions pas sans l'envier de pouvoir quitter la maison où nous avons appris l'ennui. Faute de mieux le jardin, guetter les passants depuis la balustre, Marie-la-folle avec son béret beige, pourquoi je raconte cela? Cela t'avait surpris, lorsque pendant tes derniers jours, je t'avais apporté des textes, montré ce que j'avais écrit de notre enfance, l'importance du jardin, Honfleur plus régulièrement que la villa du Croisic, ce n'était pas faux ce que j'évoquais, simplement ce n'était pas non plus ton souvenir, ton point de vue. Je t'ai promis d'équilibrer, la villa s'était envolée, j'avais travaillé à l'oubli, toi tu y étais retournée, il a fallu se souvenir et tenir parole. Pourtant ce jardin j'y reviens, tu comprendrais pourquoi, c'est là que le père agressa Claire, une partie de cache-cache, je m'étais bien caché, je n'ai rien vu, je n'ai rien su, c'est Claire qui te l'a raconté bien après, lorsqu'avec les années tu trouvas la force de dire ce qu'il t'avait fait. Le jardin des fruits fut le jardin de sa faute, Eden brisé de son fait, Eden dont je le chasse à jamais mais trop tard.
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