La ville au bord de l’eau

La ville au bord de l’eau
La ville au bord de l’eau huile sur toile, 1947 Donation Pierre et Kathleen Granville, 1969 © Musée des Beaux-Arts de Dijon/François Jay © ADAGP, Paris

samedi 19 août 2017

L'oreille dressée

Que te dire du monde qui, si tu m'entendais, ne te ferait pas mal? Je t'épargne l'inventaire affligeant des massacres, des naufrages, des contaminations, des extinctions d'espèces. Il reste encore ici -mais pour combien de temps?- la douceur des campagnes, la pointe noire de l'oreille dressée du lièvre qui va fuir au débord du champ labouré, le soupir de la chouette, ces signes, ces traces qui n'intéressent plus personne, on ne sait s'il faut s'en louer, l'homme moderne ne sait rien des empreintes, du flair et de la brindille foulée. Il vaut mieux se terrer au gîte, ne pas faire le beau, artiste de la planque le lagomorphe ne bondit que découvert. Dans ma vieille maison, mélange de celles des trois petits cochons, paille, bois, briques, j'attends des loups multiples, ne sais lequel la soufflera, mais j'ai l'espoir secret qu'à mi- pente, sa modestie la camoufle et que la meute passe sans la voir, au moins les premières fois. Tu sais, je suis un vieux lièvre las de courir -les levrauts ne courent pas, ils n'en ont pas besoin, les levrauts n'ont pas d'odeur qui les trahisse- un vieux lièvre qui se tient là au gîte, attentif à tous ces signes qui ne disent rien qui vaille.

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