Et tout a basculé d'un coup, ce n'était plus le temps du tout, un ciel bleu comme peint sur un mur, des rues vides des cafés le volet baissé, des visages fermés, rides tendues, lèvres pincées, ce fut c'est la fin le début on ne sait mais ça va durer.
Le chat noir est arrivé, s'est allongé entre nous, le printemps s'éternisait, il ne pleuvait plus du tout, s'il ne pleuvait plus jamais, si la Normandie devenait comme une Castille brûlée, jaune, sèche comme amadou, si l'on battait le briquet?
Nous nous sommes lovés sur le lit pour regarder des Fellini, nous avons marché dans les bois n'y avons pas trouvé le loup, nous n'y avons croisé personne, alors nous avons compté les fleurettes, les jacinthes et les anémones, les coucous et boutons d'or, l'ail des ours et la clématite, et jusqu'au chèvrefeuille. Nous avons vu fleurir les haies et les fruitiers, puis les pétales sont tombés, blancs et roses et l'on a su que viendraient les fruits quand-même, cette année même où tout s’interrompait, les avions dans le ciel, la communion solennelle, il y aurait des prunes après la fin du monde, des mûres plein les ronciers mais qui pour faire les confitures? La bassine en cuivre et l'apocalypse, fable d'un été, s'il restait un fabuliste.