Le ciel nous a rejoint qui rase les haies, les terres à nu, l'eau débordant la mare. M'est tombé sur le dos, le ciel, bas et lourd, je le confirme, un brouillard d'il y a cinquante ans, ces jours-ci il ne fait pas jour, le ciel tombe et voilà, la nuit persiste, des nuances léonines, il fait si gris qu'on se serait pas surpris de trouver la mère de Whistler assise dans la cuisine, elle n'y est pas, dieu merci. Le ciel sur le dos, on lit, on a pris au hasard une nouvelle de Jünger, on l'aimait bien le raide prussien jadis, on en est moins dupe aujourd'hui. Chez lui on médite, on est servi par des domestiques, on considère la catastrophe à venir, on en reste interdit, on rêve d'une élite qui peut-être, éviterait le pire, elle n'a rien évité du tout l'élite, et le pire reste à venir. La nuit est tout à fait tombée, il faut fermer le livre, faire chauffer l'eau du thé, reprendre la lecture: d'un coup de couteau Gaspard le lorrain vide une morue noire et rince le poisson dans l'eau grise de la mer, sans rien dire, et somme toute cela vaut de le lire.
Le ravaudeur n'a pas collecté toutes les pièces du puzzle. Le ravaudeur ravaude, j'entends par là qu'entre les morceaux de sa peine il suture, et que suturant il renonce à l'unité de ce qu'il rassemble et sa tâche c'est de faire tenir ensemble, et son travail un manteau d'Arlequin.
Sans titre
Tal Coat
vendredi 27 décembre 2024
mercredi 18 décembre 2024
Enfermé dehors
Il ne tue pas l'aimée celui qui se retourne: le ci-devant s'inverse qui dans sa volte-face embrasse un simulacre puisque sitôt retourné, le voici revenu sur sa promesse. Les souvenirs s'évanouissent et s'impose le malheur de n'être plus qu'à rebours de son désir, mort à soi-même mais interdit d'enfer, enfermé dehors, sur la lèvre de la blessure forclose. Pas une plainte, pas un soupir de la promise ravalée, tandis que repoussé sur terre il subit les oiseaux qui s'enivrent d'argouses. C'est un éden désolé, où sa lyre grelotte d'écailles disjointes de la carapace. Douleur à faire pleurer les pierres et tomber les dents des tigres, douleur qui suspend le vol des émouchets, peine qui s'insinue comme lançon dans le sable et scintille d'un éclat d'acier par la dentelle du rivage.
Qui s'est retourné vers n'a pas tué l'aimée. L'avenir se cogne à sa nuque pendant que sa voix d'eau de roche invente l'élégie, quand déjà le thyrse des mégères déchire la herse des taillis, se heurte aux branches des lauriers.
jeudi 21 novembre 2024
Jardin sous la neige
Ce qui tombe neutralise, la lumière en perd son souffle, ce qui tombe une neige grise et les dernières feuilles, stupéfiées, ploient sous le poids, croulent, se brisent. Elle en restera au bouton la dernière rose de la saison, et les grelots du fuchsia blanc perlent comme un chant de cygne. Dire adieu au persil, à l'estragon, la ciboulette -un adieu relatif: ils reviendront au printemps. Thym et romarin résistent, la neige tombe comme à Gravelotte, giboule, efface les contours des arbres, gomme, arrondit, estompe toute forme, bâillonnerait les bruits s'il en était encore par le hameau comme saisi. Ronfle la cheminée qui réclame une bûche, on la lui fournit. Nous prend une envie de laine, de thé noir aux épices, c'est un matin à écouter de la viole, La Rêveuse de Marin Marais, la neige tient dessus la route, pourra-t-on quitter le jardin, on doute, les chats font le dos rond, on écoute dans le silence des tourbillons, c'est la mélancolie même, on se souvient qu'est morte Sophie Watillon, la mélancolie même, on lui offre la dernière fleur du fuchsia blanc.
dimanche 17 novembre 2024
Dernières trompettes
La nuit ne cesse de tomber qui semble fuir la maison la saison, mes yeux usés. J'ai épluché des trompettes de la mort, des bêtes ont échappé à ma vue basse, j'ai croqué un cloporte réfugié dans la corolle où il a cuit recroquevillé. Dernières trompettes avant l'apocalypse, non, avant la goutte froide qui, peut-être, nous vaudra de la neige -on ne sait qu'en penser, désir d'enfant, crainte de vieillard raidi par l'arthrose, on balance. Les arthropodes et les limaces n'avaient pas hésité, tous aux abris dans les trompes noires où l'hiver ne viendrait pas les chercher, l'hiver non certes, mais mon couteau vengeur, novembre est un mois sans pitié.
jeudi 14 novembre 2024
Lire les signes
On ne veut pas savoir, la passion d'obscurcir nous possède, la pulsion nous déborde, nous abattons des oies en vol pour briser les auspices, et les cygnes qui n'iraient pas dans notre sens, nous les sortons du temple. Mais têtu persiste le réel qui déçoit notre désir et détisse le voile tendu pour le masquer. Nu, le voici qui s'impose et nous assigne à notre contingence. Ce qu'il donne à voir à nos yeux décillés de la petite mort, ce sont des singes arrogants aux mains ensanglantées. Ils ont lapidé leurs rivaux qui contestaient leurs rêves d'empire et serrent la pierre qui fracassera celui qui par malheur rira du hochet qu'ils prennent pour un sceptre, bêtes alphas, analphabètes.
dimanche 10 novembre 2024
Marcher juste
vendredi 8 novembre 2024
Morts-vivants
On jurerait que non, c'est un novembre ordinaire, feuilles tombantes, brouillard tenace, pas de gel pour autant et des chanterelles plein les bois, quelle menace? le mois des morts est si vivant, les araignées rentrent dans la maison, la chatte les gobe d'un coup de dents, qui pourrait croire à ce qui se passe pourtant, la disparition des hérissons, plus de crevettes dans la nasse, de crevettes grises j'entends, celles du jadis à Honfleur, le poissonnier propose des gambas d'élevage, des bios mais non merci, c'est de mon enfance qu'il s'agit, d'une saveur disparue, le cri perdu des femmes qui les vendaient par les rues, des baleines remontent l'estuaire et s'y tuent, des phoques s'échouent à Pont-Audemer, mais de crevettes il n'y en a plus, la mer plus chaude et les tempêtes, et les pollutions de la Seine, les causes sont légion, la cause est connue, connaitre n'a plus d'importance, toute l'énergie brûle à des fins d'illusions, nous sommes rentrés dans la caverne, nous allumons des simulacres et leurs fumées nous étoufferont.
dimanche 3 novembre 2024
Veste orange
Au fond du vallon la veste orange d'un chasseur posté au bord d'un champ de maïs oublié par la moissonneuse. Ce qu'il attend, pas de mystère, il rêve de lièvre et de faisan, reviendra la gibecière lestée d'un pigeon. Hier ce fut un festival de détonations dans le brouillard presque tangible -d'où l'intérêt des vestes orange- et l'on se félicita que nos chats, trouillards à bon droit, ne s'éloignent guère de la maison, chassent au jardin ou chez les voisins et préfèrent, l'automne venant, la chaleur du poêle et l'assurance de la pâtée au lapin fuyant par les champs. Ca les reprendra au printemps, quand le jour revenant disparaitront pour la saison souriante les éclats sinistres des vestes orange perçant la brume de leurs coups de feu et les pelages de taches de sang.
vendredi 1 novembre 2024
Douceur de novembre
Puisqu'il faut entrer dans novembre, transformer la véranda en remise, y abriter le laurier rose, y serrer courges et oignons, allumer le poêle au matin pour que l'étage chauffe, s'accommoder d'un espace rétréci mais tiède -c'est douillet chez nous aurait-on dit jadis (ma langue vieillit, un peu confite, un peu compote, ma langue de saison, pomme de calville, purée de potimarrons, odeur de chanterelles)- ce que je dis devient brumeux, ce n'est pas ma vue qui s'étoupe, c'est le ciel si bas qu'on marche dessus. Perce du gris laiteux le feu du liquidambar -remettre une bûche sur la braise qui faiblit- le chat noir ne veut plus sortir qui va de sieste en sieste et ronronne sur nos genoux, c'est doux novembre ainsi loin des crues, des tempêtes, des massacres, des incendies, le brouillard a tout étouffé, nous tenant à l'écart des fureurs du monde. C'est cette douceur qui nous trompe, tandis qu'à Valence on compte les noyés, qu'à Gaza les morts sont indénombrables, c'est Toussaint, nous pourrions fleurir et nettoyer les tombes des nôtres, mais ailleurs, pas si loin, combien restent sans sépulture?
mardi 29 octobre 2024
Le bel aujourd'hui
Le soleil presque laiteux ce matin dans ce ciel bleu layette donne à Mozart des parfums d'automne, de boskoop à la peau rugueuse, saveur de passe-crassane un peu pierreuse, les quatuors dédiés à Haydn esquissent des danses de feuilles heureuses, il n'est pas poisseux Mozart, les feuilles scintillent d'une rosée tardive, dernières roses perlées, derniers dahlias ployant sur des tiges trop fragiles, l'automne a ce sourire timide de vieillard pendant l'éclaircie, c'est maintenant, c'est aujourd'hui. Les écrans vomissent des haines recuites, des joies mauvaises, il ne les éteint pas Mozart, du moins on aime croire qu'il les affaiblit (pas si sûr, disons qu'il les met en sourdine, déjà ça, ce repli qu'il permet, cette joie fragile).
On aimerait que traverse ici l'écureuil qui zèbre le jardin dans sa razzia d'octobre (les noisettes y sont toutes passées), voir s'enfouir sous les feuilles le hérisson menacé d'extinction, s'assurer qu'il passera l'hiver, un rêve d'arche de Noé, Mozart s'alanguit, c'est une autre mouvement, plus mélancolique, que reste-t-il du vivant? Le jardin frémit, juste un peu de vent, Palestine, Liban, atrocités sur les écrans, ce qui se passe est accablant, le jardin n'en peut mais, on a coupé Mozart, horrifiés on regarde jusqu'où la rage à l'horizon toujours renouvelé.
lundi 28 octobre 2024
Le temps nous manque
Il ventait à la Torche, sur la pointe du Raz, sur la côte sauvage, on en était saisis, comme si rien ni jamais ne pourrait changer là, comme si l'écume jaune et blanche, comme si la stupeur du granit, la houle fracassée entre vert, bleu, gris et bronze, comme si le ciel, l'élémentaire orgie jouait d'un autre temps, qui ne pouvait être le nôtre. Et cependant la côte recule, les abers nous annoncent le destin des fleuves, on a empierré, c'est un peu vain, les bords de la plage où nous avons dormi derrière un un rideau théâtral, à Plougasnou où cinq surfeurs attendent inlassablement la vague de bonne période, question de rythme, affaire de temps. Le temps nous manque la dentelle blanche de l'éventail se déploie sur la grève brunie d'algues, laminaires arrachées des fonds par la marée, par la tempête, comme le furent les pins les cupressus qui protégeaient le jardin Georges Delasselle au bout de Batz -je nomme le jardin, pas la tempête. Le temps nous manque et cependant on a reconnu la Laïta, ses dix kilomètres ses restes d'abbaye dans une lumière inchangée un chêne beau comme un poème, jusqu'au Pouldu cet étrange estuaire dont la barre d'écume brille comme l'acier, brisant la douceur de l'anse. On s'est arrêté là, c'est là qu'on reviendra, une autre fois, qu'on tâchera de retrouver.
mercredi 9 octobre 2024
Lachrimae
Il pleut des cordes, des chats des chiens des seaux, ça tombe du ciel, pas la manne pas un fléau, rien que de l'eau, un mois de pluie en quelques heures, un déluge sans radeau, de quoi remplir la mare et la citerne enfouie, de quoi verser dans l'automne, ciel bas, feuilles déchues, chats dormant sur le bureau, où nous en sommes, chaleur du poêle, lampes de bureau, des airs de Dowland, goûter la mélancolie même, la Normandie sous ce vent là c'est campagne anglaise, on va faire siffler la bouilloire, boire un mug de thé noir, pas de scones, va pour une madeleine, la pluie ça nous va bien, on brûle le vieux saule pleureur, c'est un arbre léger qui fond sous la flamme, dont il ne reste rien après avoir brûlé.
jeudi 3 octobre 2024
Au dedans
Je n'ai pas gardé les photos, ou si peu et par accident, et celles que j'ai conservées je ne les regarde jamais, il ne faut pas se retourner, on perd son âme en un coup de vent, on s'émeut de succédanés, d'oripeaux jaunis, couleurs d'un autre temps qui n'a jamais été celui qui s'offre à voir. C'est tuant de se retourner, il fallait les aimer vivants ceux qui nous manquent, sentir leur souffle sur la nuque, hallucinant, se détromper, ceux qu'on aima ne nous suivent pas, ceux qu'on aima sont au-dedans, vivent en nous sans peser et font comme si de rien n'était.
dimanche 29 septembre 2024
A la chaleur du poêle
On a refait du feu, la maison est humide, la braise nous ranime, on brûle le saule-pleureur mort voici deux ans, c'est un bois léger qui se consume vite, flammes élégantes, cendres fines, pas un bois pour l'hiver, nous n'en sommes pas là. Là où nous sommes, nous faisons comme si la paix allait durer, des efforts de fleurs, de potager, de cuisine, de chats repus sur les fauteuils, une vie paisible, mais les écrans hurlent et des visages tordus de haine éructent des obscénités, qu'ils crèvent dit un jeune imbécile dont le père a été quelqu'un, je ne veux la mort de personne, pas non plus celle du jeune crétin, je veux accueillir l'étranger, celui qui fuira le cyclone, les bombes, les tyrans, la faim, je veux envisager l'autre, vivre en bon voisinage, et tout homme m'est prochain.
mercredi 25 septembre 2024
Passe avec la pluie
Ce qu'il y a dans le bruit de la pluie, le clapotis clair sous les nuages gris, peu de lumière mais un hachis d'espaces indéfinis, ce qui se dit du temps qu'il fait tant pis, ce qu'on a fait du temps aussi, c'est à l'averse qu'on se plie, baleine tordue de parapluie, on perle trempé, perclus, soupir.
Enfant tu lançais des pierres dans les flaques et la boue t'étoilait des bottes au kabig rouge, et parfois nous y sautions à pieds joints -l'âge bête, disait la mère, l'âge bête cela expliquait tout mais n'excusait pas les taches de boue.
On ne court plus sous la pluie, on ne glisse plus dans la boue, c'est le temps qui pleut et fuit, nous laissant comme pierres au lit, moi fourbu presque à terre, toi dessous.
dimanche 15 septembre 2024
Non-anniversaire
Tu aurais eu soixante ans hier mais non, dix années bientôt que tu ne vieillis plus. Au cimetière les anniversaires, ta tombe je n'y suis jamais revenu, pas voulu pas pu, choisit-on seulement ce qu'on fait? Le temps décide pour nous, le temps, certaines réticences, j'entends par là qu'albums photos, pèlerinage et chambre verte, très peu pour moi, je n'ai pas les yeux en dedans, non pas besoin, chaque jour je me souviens de toi, je n'y peux rien, telle lumière le matin, le sourire de ta fille quand elle vient , une chanson de Stéphane Eicher que tu aimais bien, ça qui revient, ni reliques ni talismans, du vivant, du sensible, tu reviens avec le vent, la pluie sur les roses Meilland, les grains de beauté d'un enfant, ton souvenir de la chaux vive, le non-anniversaire d'Alice.
dimanche 18 août 2024
En faire son dimanche
On pourra bientôt chanter le retour des colchiques, lumière grise, on a changé, le ciel s'en est allé brûler ailleurs. Fin d'été, Whistler, rivages presque monochromes, encore beaucoup de fleurs et des prairies vertes, et des concombres au potager. La mare débroussaillée reflète enfin les althéas blancs, on y a découvert un peuplement, grenouille crapaud, tritons, la mare est là qui nous surprend, trainées de lentilles d'eau, suspension d'herbes molles. Les chats tuent des lapereaux qu'ils dévorent jusqu'aux oreilles puis s'en vont dormir sur le lit, câlins, repus, innocents jurerait-on, si on ne les avait vus, s'il ne nous avaient offert tel trophée dans la salle de bain, surgissant de la fenêtre entrouverte. On laisse la lumière entrer, on met à la porte le chat et ce qu'il reste de sa proie, un dimanche, fin d'été, un dimanche bientôt passé.
mardi 30 juillet 2024
Volets fermés
Il fera chaud ce jour, j'ai fermé les volets pour garder la fraicheur, comme je l'avais appris en Espagne jadis, en vacances: on se levait tôt, on allait au marché, on rentrait faire la sieste, pour ne sortir qu'au paseo, diner tard, se coucher quand enfin l'air revenait. A Casa, on versait de grands seaux sur les carrelages de septembre, quand l'été n'en finissait pas. Je n'en suis pas là, mais j'ombre la maison basse tapie dans le bocage, le soleil est monté d'un cran, il faut s'en garder, attendre la pluie promise pour la nuit.
jeudi 25 juillet 2024
La joie des flaques
lundi 8 juillet 2024
Le bel été
Il pleut ici comme un été de ma jeunesse. Les hortensias n'ont pas grillé, nous dormons fenêtres fermées les nuits sont fraîches. Les grives s'enivrent de cerises, les chats guettent l'aubaine, il pleut sur le lapin qui mange les fleurs de trèfle. La catastrophe est remise à plus tard, ailleurs, aux feux de Californie, à la montée des eaux -une carte dessine les nouvelles îles les possibles atlantides, les futurs fjords et jeunes abers. Mais pour l'heure il est permis de vivre et nous respirons ici mieux qu'hier même si chacun sait le moment fragile et l'accalmie trompeuse, n'importe, on a cueilli deux kilos de groseilles, un de cassis, et ce soir c'est confiture (les gelées nous ennuient).
lundi 24 juin 2024
Aux absents
Parfois, sans crier gare, quelque chose nous prend comme nous saisit le vent qui fait pleurer -Etretat, en janvier, on pleure on est cinglé, où êtes vous passés? Le temps de se retourner, le trou dans l'eau s'est refermé sur vous, il a fallu continuer sans. Les absents manquent et si le trou se referme, l'absence n'est jamais comblée, elle creuse en nous des courants d'air glacés mais ce qui nous transit, c'est de comprendre qu'on ne cesse de vous perdre, qu'on vous oublie pied à pied, ce combat perdu qu'on mène, qu'on ne cesse de perdre, vos mains, vos voix, vos yeux qu'on ne sait plus susciter, qui pourtant nous appellent dans un monde indifférent.
vendredi 21 juin 2024
Ich habe genug
Peut-être rien ce jour, un rayon de soleil qui passe ou qui perce, le buffet qu'on a fermé, on lui préfère la fenêtre ouverte où les chats s'attardent, les fleurs des capucines cramoisies, il est des jours où une fleur suffit. Ce qui chante, oiseaux plus ou moins communs du jardin, bouleversants barytons allemands, Schubert, Messiaen, peu importe finalement qui chante, ce qu'ils chantent, il faut être reconnaissant, ceux qui chantent repoussent la fin même, inventent mon présent. Que le vieux temps reste au buffet, quant au bel avenir, c'est du boniment, du vent: à qui nous ment répondre par le chant, cueillir la capucine, l'éclaircie de maintenant je l'ai vue. Que le chanteur épouse le hautbois, sa voix la joie, avant que tout ait disparu.
jeudi 13 juin 2024
Monter à Grâce
Je n'aime pas me souvenir, je préfère que ça me revienne, un baiser d'aube, une boule de neige, le jasmin la nuit, ma sœur qui courait de curieuse manière, ce qui fait retour et suspend le temps, il faut le laisser ressurgir ne rien forcer, être patient, peut-être rien ce jour, peut-être l'essoufflement, le point de côté quand on avait pris le chemin de la côte de Grâce -pour mieux voir le Havre en face, il fallait un franc et la lunette nous projetait vers le port, la cheminée de la centrale et les réservoirs de carburant, qui aurait voulu mettre un franc pour voir des fumées et des pétroliers? On nous refusait le franc, on rentrait dans la chapelle, puisqu'on aimait les bateaux, on admirait les ex-voto, cela faisait rêver les voiliers suspendus et les marins sauvés, des plaques de marbre remerciaient la vierge. Rentrer ce n'était rien, on dévalait le chemin, indifférents aux toits de la ville, joie de la pente, perspective du goûter.
lundi 10 juin 2024
Bruits
Voilà trois ans que je vis au jardin, j'ai appris les chants et les cris, les bruits et les couinements de la souris dans la gueule du chat. Toutes les grives ne sont pas musiciennes, un âne nain qui brait en vaut un ordinaire, et les paons qui s'aiment le font savoir. Les canards préfèrent la grand mare à la nôtre, j'aimerais qu'elle convienne à quelque reinette verte ou grise, je ne crains pas les coassements, mais déjà qu'y vrombisse la libellule (la grande bleue, la petite noire) me contente. J'aime les renardeaux gris qui courent au pli du chemin, le vent dans les cerisiers la grande fleur mauve de la clématite, jusqu'au bruit de la gamelle de fer blanc que renverse le hérisson qui mange des croquettes pour chat, c'est ici, c'est ainsi, je m'y tiens loin des autres bruits.
lundi 20 mai 2024
Potager
Il n'y avait pas de potagers dans les jardins bourgeois de mon enfance, fruitiers, verger passe, mais les rangs de poireaux , les semis de radis, les histoires de lune montante, ce savoir d'almanach et les dos cassés des vieux qui binaient leurs carrés pas question, cela sentait le pauvre et l'effort, seule exception les rames de haricots entortillées de lianes, enfants nous n'aimions pas trop ça les haricots verts, les enfants sont difficiles soupiraient mère, tantes ou grand-mère, et d'évoquer la guerre, les topinambours et les rutabagas, fallait pas faire les délicats en ce temps là. Mais voilà qu'on y a goûté, qu'on a aimé -pas les rutabagas, il faut rester honnête- et quoi de plus fin, quoi de plus délicat que le topinambour? - elles avaient tort les vieilles chipoteuses.
Tanguy a placé des piquets, retourne le carré, donne forme au potager où sont déjà plantés deux pieds d'artichauts beaux comme des chardons gris. Dans des petits godets patientent des promesses de courgettes, de poivrons, d'aubergines, de courges et de potimarrons. Les haricots attendent un treillage où ils se mêleront aux concombres du Mexique. Un potager sans semis de radis, sans porette repiquée, ans carottes, sans patates, et sans topinambours: on ne déterrera pas, c'est ainsi décidé, un potager un peu bourgeois, somme toute.
dimanche 5 mai 2024
Anarchie du jardin
Il pleut encore ici comme depuis des mois, mai n'y fait rien tant pis, j'écris sous deux lampes, le poêle rougeoie, dehors l'herbe a tout envahi, c'est très vert ici, vert et gris, les chats dégoûtés dorment sur les fauteuils, il ne fait ni chaud ni froid, il pleut, c'est comme ça. Le jardin s'est ensauvagé, moins que le monde cependant, sont stupéfiants les enragés, s'en tenir loin si possible, et tolérer les herbes folles et les orties, cette sauvagerie-là, ronciers conquérants, bambous hors de contrôle, lierre proliférant, on s'en accommodera et l'on accueillera avec reconnaissance les abeilles, les papillons, les libellules bleues vrombissant au dessus de la mare, il est aimable le désordre, chaleureux le foisonnement qui fleurit, insensé, cette anarchie-là, oui, décidément.
mardi 30 avril 2024
Dove sei?
Dans l'autre Italie qu'irrigue l'autoroute et les voies à grande vitesse, celle que traversent les Audi suisses qui foncent vers la Toscane, l'arrogance de Ferrero, de Barilla, les musées à la gloire des voitures et de Pavarotti, un monde de bruit. On comprend mieux qu'il faille couper la plaine, on se prend de sympathie pour les rangées de peupliers qui ploient sous le vent et lâchent dans l'air comme des fleurs de coton, il neige des chatons, c'est la Romagne, un pays de cinéma, on se rappelle un vers de Pasolini, on se souvient de Silvana Mangano, de son visage de cire, c'est la campagne près de Rimini où il neigeait des chatons lors du mariage de la Gradisca, je me souviens comme il neigeait chez Fellini. On se blottit sur des placettes à l'abri du vent, des enfants chevauchent des lions de marbre -c'était jour férié à Modène une fanfare a joué des airs militaires puis Bella ciao devant la cathédrale puis, deux rues plus loin, une manifestation de soutien à la Palestine (déjà la veille à Bologne, la voix d'une étudiante se brisant net au mégaphone au milieu des drapeaux au triangle rouge).
Enfin la géométrie des hauts murs de Ferrare, ces ombres savantes, le retable de Garofalo, le souvenir de Dominique Sanda, des bicyclettes impérieuses, les fresques scotchées du château d'Este, la vérité tremblante des rimes de Bassani.
vendredi 5 avril 2024
Floréal
Nous aurons connu des plages heureuses, l'Italie d'avril, ses arbres de Judée étranglés de glycines, la neige sur le camélia, des concerts dans la blancheur calcaire d'églises toujours fraîches, les falaises de craie d'où pleurent des champs de lin. La chaleur montait sans qu'on s'en inquiète, le malheur on le repoussait à demain. Pâques nous était piqueté de jonquilles, de primevères, de coucous, d'anémones des bois, mais aujourd'hui voilà les cerisiers en fleurs et le petit poirier louise-bonne, et les derniers pétales roses du pêcher. Ce qui se passe, chacun le sait, ils se ruent au printemps les arbres, ils sont comme nous déboussolés. Quant aux jacinthes, elles tapissent déjà les clairières, seront fanées en mai, et le muguet qu'en sera-t-il?
L'irréparable nous le voyons navrés encrer nos paysages: mars aux champs orangés gorgés de glyphosate, avril jauni de l'inepte colza, on ne compte plus les haies arrachées, l'eau souillée jusqu'aux secret des nappes, on connaît les poisons instillés rémanents, permanents, les polluants éternels, cap au pire, haro sur le vivant.
Nous aurons connu les amandiers en fleurs en février, les cèpes en été sous les chênes du temps où il pleuvait l'été, les premiers crocus sur les alpages suisses, les rhododendrons arborescents de Varengeville, les grelots mauves de juin sur la hampe des digitales, puis les groseilles et les framboises, les cerises blanches, les cerises noires, ce monde affolant de couleurs, de jus, de sucre, ces parfums, tout un calendrier bousculé, le temps qui s'emballe et nous échappe.
dimanche 17 mars 2024
Pas de mais
Lorsque nous aurons fait le tour du monde, de la question, du pâté de maisons, lorsque fatigués jusqu'en nos dimanches, nous nous assoirons pour écouter le temps passer dans la rue comme dans nos artères, et nous rirons de nos dernières dents au souvenir de nos passions vaines. On croyait qu'il serait possible de voler le feu, de nos propres ailes, se brûler un peu, tomber dans la mer et nager la brasse sans couler, s'enfouir sous les cendres des visages aimés mais n'en pas mourir. Or il n'y a pas de mais, comme disaient les mères pour faire taire les enfants raisonneurs, pas de mais, pas d'échappatoire, et foin des modalisateurs. Dans cette fatigue au fauteuil, demi sommeil, demi deuil, s'aviser du poing refermé qui nous tient et nous serre les côtes, la gorge, les couilles -à chacun son enfer- jusqu'à ce que Tanguy survienne et propose qu'on sorte, on s'en sort en sortant, pas besoin de la mappemonde, on se contentera d'un tour sur la côte, de jardin, d'un passage à la pépinière, promesse de lupins, parfum de chèvrefeuille et feuilles de verveine.
jeudi 7 mars 2024
Lumière de mars
La lumière nous réveille au matin, la lumière crue de mars qui frappe les carreaux, et les volets ouverts, prend la maison d'assaut, impérieuse, effaçant sans effort des mois d'anémie grise. Au travers de ses faisceaux volent des poussières enfiévrées et quelques poils de chats. Ils sont sortis, les chats, ils prennent la chaleur contre les silex du mur. Le jardin s'enivre de fleurs, l'herbe est d'un vert aussi acide que la palette de David Hockney, le ciel s'éclaire enfin, s'affranchit du bleu durci de l'hiver, et déjà Tanguy rempote les deux pieds d'artichaut dans la véranda. On devrait être blasé, ce chambardement des cycles, le chant des oiseaux, le bariolage du prunus, des forsythias, des pêchers, des bouquets de jonquilles, on devrait se méfier, tant on a souffert des morts de mars, on sait que c'est un mois brutal, n'importe, on se laisse embarquer, on espère des morilles, des tricholomes de la Saint-Georges, c'est un peu tôt, on regarde pourtant.
lundi 4 mars 2024
Gelée blanche et fleurs de pêcher
Il a gelé blanc, on l'avait bien dit, les fleurs de pêcher c'est si joli mais ici, peu de chances pour des pêches en été, un gel en mars et c'est fini, tant pis, les fleurs ça nous suffit, même si pour ne rien cacher, on garde un peu d'espoir pour les pêches de vigne, en boutons sur la tige, on aime leur chair sanguine, pour elles on attendra les fleurs et peut-être en septembre le jus rouge sous la peau cotonneuse, ce serait bien, mais pour l'heure c'est le soleil qui chante aux fenêtres, deux grives se battent et Fidelio dort sur mes copies, merveilleux prétexte pour différer l'ennui.
lundi 26 février 2024
Saint-Benoît-des-Ombres
Il y avait, ces années-là, un homme à Saint-Benoît-des-Ombres, plus seul que cet homme-là, cela ne se peut pas. C'est dans un pli des bois du Vièvre sur le bord du plateau, on peut descendre bien bas, mais c'est un beau village, s'y tient un pèlerinage, on en repart avec une branche d'if béni qui protège du mal fait (mais si le mal est fait, qu'y faire? -je ne sais pas); c'est le jour du printemps et de la Saint Benoît, la petite église est remplie jusqu'au caquetoire, on y vient de l'Orne on y vient de loin, on protège maisons et troupeaux, le saint bonhomme y veille sinon en personne, du moins en effigie (sur le caquetoire, sa statue de bois). A la Saint Benoît, l'homme restait chez lui, avec son crayon gris, l'if béni ne suffisait pas, l'église il la préférait vide, elle l'était la plupart du temps, pour graffiter de son crayon comme un journal de sa misère sur l'enduit, entre les Ex-Voto "Reconnaissance à Saint Benoît", les épisodes de sa vie encalminée là, Saint-Benoît il n'en bougeait pas, pas le permis, rien pour partir, sa prière elle revenait quelques fois, avoir assez d'argent pour prendre le bus et fuir, jusqu'à Evreux peut-être, mais où prendre le bus, il n'y a pas de bus, sauf ramassage scolaire, Saint-Benoît il n'en bougerait pas, il sera l'ombre de Saint-Benoit, l'ombre c'est encore trop peut-être.
dimanche 18 février 2024
Point de lendemain
A peine sorties, déjà courbées, les jonquilles ploient sous la pluie, ce dimanche gris comme ventre de souris, le vent qui vous saisit de biais ne vous transit pas pour autant, ce sont des rafales tiédies, les chats ne sortent pas, qui craignent le vent plus que la pluie, le chat noir dort près du poêle ronflant, Tanguy écoute la messe en ut, qui pourrait croire à la guerre qui gronde, à la mer qui monte, à la fin du monde? Laurent ne viendra pas ce jour chercher les pierres qui lui manquent, partie remise, un autre dimanche, rien ne presse, la guerre ce n'est pas pour demain quand-même, nous sommes de ces chanceux qui ne savent pas ce que c'est, cela nous paraît insensé, les bambous plient sous le vent tiède, ce qui advient, pas pour demain, c'est la fin du lendemain même, et bambous de se balancer.
samedi 17 février 2024
Trop tôt
Ce qu'on se dit du temps qui passe, entre deux avis de décès, le bois qu'on a brûlé, les cendres qu'on a répandues, les braises qui se sont éteintes, ce qu'on se dit à voir le chat se rouler dans la poussière grise, à humer l'odeur de la fumée dehors, du temps qui passe, qui accélère tout, c'est l'hiver il fait chaud, les crocus sont arrivés, orange les premiers, puis les violets, on attend les préférés blancs veinés, on attend peu, trop peu, sont arrivées les premières fleurs sur le prunus et toutes les jonquilles, c'est février c'est le printemps ce qu'on se dit du temps qui passe, on reprend les tours de jardin, les fruitiers en boutons bien trop tôt, avril mordra les fleurs d'un gel fatal aux fruits, ce qu'on se dit, ça va trop vite c'est bien trop tôt la fin de la dormance, les oiseaux s'enchantent, on ne leur dira rien, des étourneaux, leur laisser l'insouciance, la grâce des murmurations.
dimanche 4 février 2024
Un frémissement
Le soleil point c'est un peu tôt mais la terre frémit on voit les taupinières, ça se réveille, les jonquilles boutonnent, les hellébores fleurissent les primevères tapissent, revient l'envie du jardin, se mouiller les pieds pour voir si jamais les crocus mais pas encore, la première fleur du camélia mais non les oiseaux chantent tôt le matin la vérité du merle de Gautier, chanter trop tôt, célébrer dès avant fi du gel le printemps parce que l'hiver fatigue, il n'est pas encore temps mais nous vivons d'impatience et nos élans sont ceux de vieux enfants.
dimanche 28 janvier 2024
Jardin d'enfants
Dans ce jardin-là, ce qui s'est passé, ce qui se passa, un poirier foudroyé, des enfants roulant par la pente de la pelouse, le sable du bac s'écoulant vers septembre quand la pluie revenait, des merles tués par balles et j'ai gardé la carabine. Des aoûtats l'été, ça ne sert à rien de se gratter, la mère n'est pas là, elle parle avec sa mère dans la chambre de celle-ci, assise dans une bergère tendue de toile de Jouy, c'est joli non? c'est doux la bourgeoisie. La mère redevenue fille oublie, s'enivre de potins avec sa mère chérie, plus d'enfants -ils jouent au jardin- plus de mari, plus de place pour rien mais la joie d'abolir le temps et le chagrin, le temps qui s'éternise dans le jardin où les enfants jouent, où les enfants s'ennuient -il ne se passe rien le temps très lentement, le bruit des voitures à cheval des derniers paysans, samedi matin tôt, ils vont vendre au marché, le bruit franchit le mur, c'est un événement, on s'ennuie ferme, il ne faut pas déranger maman.
Dans ce jardin-là, ce qui s'est passé, ce qui se passa, un poirier foudroyé jadis, des tourterelles abattues d'une balle par le père, une odeur de plumes brûlées qui sort de la cuisine, le père range la carabine, le mère de la mère est contente, les roucoulements la réveillaient. Le tas de sable a fondu qui révèle des veines de terreau noir, impropre aux jeux d'enfants, les châteaux, les pâtés, on pourra se gratter, il ne reste qu'à s'ennuyer, se courir après se cacher dans les buissons, dans les greniers, entre les rangs de groseillers, dans l'ombre où les pommes sommeillent sur des claies, dans la serre abandonnée où fleurissent les ruines de Rome et pourrissent des clapiers vides, c'est un deux trois soleil! cache-cache, cache-tampon, chasse au trésor, beaucoup de noms pour peu de jeux, des enfants qui restent dehors.
Ce jardin-là, ce qui s'y passa, ce qui s'y est passé ne passe pas, le poirier foudroyé n'était plus qu'une souche recouverte de lierre, on ne comprenait pas qu'il manque, on s'ennuyait autour, on aurait bien voulu sortir, où était le danger? la maison on la retrouverait, l'araucaria dominait le quartier, mais le portail restait fermé alors on jouait résignés. Le père parfois s'en mêlait, le père se mêlait aux jeux, dénichait les petites filles cachées comme des oisillons au nid, le père ne jouait qu'à son jeu, le père ne s'ennuyait pas qui jouissait, fille et nièces le subirent dans ce jardin-là, quand leurs mères parlaient à leur mère dans un décor de bergerie.
mercredi 17 janvier 2024
Verglas
Des branches de verre sous le lampadaire qui pleurent, flaques par terre, parfois il pleut des pierres. La mare est prise où se réverbèrent silence fendillé et craquèlement des tiges ployées sous la la glace, fine carapace où glisse un merle aventureux. C'est un matin gris où luit la stalactite, où plient les bambous givrés qu'il aurait fallu couper l'été dernier, s'y perche la mésange charbonnière qui attend son tour pour picorer la boule de graisse de la mangeoire. Ce que je vois de ma fenêtre ne se laisse pas épuiser, c'est un monde incertain, dans l'entre deux: ce qui coule se pétrifie, ce qui fond se fige, la glace goutte, les flaques vitrifiées défient le marcheur téméraire. Il faudrait rentrer du bois, il est urgent d'attendre, on verra bien quel état choisit le monde, liquide ou solide, coulant, stupéfié, glacial ou radouci.
mercredi 10 janvier 2024
Paysage sous la neige
La neige est tombée, pas des tonnes, non, mais assez pour faire revenir l'enfance, les bruits si nets, la qualité du silence, le froid, cette rareté qui nous stupéfie. La neige est tombée comme une surprise, au matin, et ce fut un cliché noir et blanc, Kertész, Kundelka, un photographe en K, un qui sait nous donner froid. Ce soir tout est un peu fondu -en Normandie la neige ne dure pas- un peu sali, du blanc rouillé, de la bouillasse, des brins d'herbe et les perce neige relevant leurs boutons qui veulent mériter leur nom, et c'est Arpad Szenes qui hante mon jardin, un lavis d'espaces ras, j'aurais préféré Maria Helena Vieira da Silva, je me serais perdu dans les bois, elle aurait peint un souriant labyrinthe, et, sans avoir l'air d'y toucher, d'une touche chantante, elle aurait apporté la lumière qui manque à la neige ce soir.