La ville au bord de l’eau

La ville au bord de l’eau
La ville au bord de l’eau huile sur toile, 1947 Donation Pierre et Kathleen Granville, 1969 © Musée des Beaux-Arts de Dijon/François Jay © ADAGP, Paris

vendredi 5 avril 2024

Floréal

 Nous aurons connu des plages heureuses, l'Italie d'avril, ses arbres de Judée étranglés de glycines, la neige sur le camélia, des concerts dans la blancheur calcaire d'églises toujours fraîches, les falaises de craie d'où pleurent des champs de lin. La chaleur montait sans qu'on s'en inquiète, le malheur on le repoussait à demain. Pâques nous était piqueté de jonquilles, de primevères, de coucous, d'anémones des bois, mais aujourd'hui voilà les cerisiers en fleurs et le petit poirier louise-bonne, et les derniers pétales roses du pêcher. Ce qui se passe, chacun le sait, ils se ruent au printemps les arbres, ils sont comme nous déboussolés. Quant aux jacinthes, elles tapissent déjà les clairières, seront fanées en mai, et le muguet qu'en sera-t-il?

L'irréparable nous le voyons navrés encrer nos paysages: mars aux champs orangés gorgés de glyphosate, avril jauni de l'inepte colza, on ne compte plus les haies arrachées, l'eau souillée jusqu'aux secret des nappes, on connaît les poisons instillés rémanents, permanents, les polluants éternels, cap au pire, haro sur le vivant.

Nous aurons connu les amandiers en fleurs en février, les cèpes en été sous les chênes du temps où il pleuvait l'été, les premiers crocus sur les alpages suisses, les rhododendrons  arborescents de Varengeville, les grelots mauves de juin sur la hampe des digitales, puis les groseilles et les framboises, les cerises blanches, les cerises noires, ce monde affolant de couleurs, de jus, de sucre, ces parfums, tout un calendrier bousculé, le temps qui s'emballe et nous échappe.

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