Il reviendra. Ce corps dont nos mémoires ont rejeté jusqu'à l'ombre, nul doute que le moment venu, immédiatement nous le reconnaîtrons par-delà les années, immédiatement nous le souffrirons comme le signe certain du malheur, immédiatement massif il s'imposera parmi nous, réclamera son dû.
Il reviendra briser la fête au moment même où, dans ce geste de grâce et d'oubli, nous aurons décidé d'inviter les amis et les frères, quand grillera l'agneau dessus la fosse intense, il réclamera sa part, demandera la joue que nul n'avait détaché du crâne, et nous ferons verser l'agneau dans la fournaise pour qu'il n'en touche rien.
Plus vieux de ces saisons où, avec la patience des orphelins, nous avons tissé les draps de notre nouveau sommeil, il s'étonnera de nos yeux secs, cherchera le veau gras, produira son talent. Il faudra lui rappeler que d'entre nous, le père, ce fut lui, mais que nous seuls avons persévéré dans l'œuvre et fait face, et que ses années d'abandon nous ont forgé plus sûrement que fer sur la peau des putains, mais que la cicatrice est là, plus dure que cuir.
Son retour voudra nous détruire et avec nous les années niées. Pour autant nous demeurerons. Nous avons décidé d'être sans. Même avec, nous serons si solides devant lui que son élan s'écrasera sur le chêne de la porte. Et la fête, à peine ébranlée reprendra ses droits. Sans.
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