La ville au bord de l’eau

La ville au bord de l’eau
La ville au bord de l’eau huile sur toile, 1947 Donation Pierre et Kathleen Granville, 1969 © Musée des Beaux-Arts de Dijon/François Jay © ADAGP, Paris

lundi 18 octobre 2010

Au marché

Ils parlent de la mort en marchandant des fruits, se donnent des nouvelles qui sont toujours mauvaises, le cancer de la cousine, l'infarctus du maire, la totale de la crémière. Jusqu'à leurs chiens qui sont malades, si malades qu'on ne sait plus de qui ils parlent, du corniaud, du grand-père, du docteur, du vétérinaire. Ils posent les cabas, se claquent des bécots, pourquoi ton mari n'est pas là ? Œil humide et polyclinique. Les commerçants font mine de les rouler, mais on la leur fait pas : c'est grand rire et plaisanterie normande. Ils savent exactement ce que valent les choses, exactement ce que contient leur porte-monnaie, connaissent à la virgule près leur taux de cholestérol. Elles ont les cheveux violets; ils sont chauves. Ils râlent contre la Sécu, ils font et défont la renommée des médicastres, ils apportent un pot de confiture vide, le font remplir de crème, ils apportent leur boîte à œufs. Ils trichent dans les queues. Les enfants ne viennent jamais les voir, les enfants viennent trop souvent, les petits enfants sont fatigants. Insuffisance respiratoire. Ils sortent des mouchoirs à carreaux, se mouchent. Rhume ou chagrin, on ne sait pas. Hors du cabas, la botte de poireaux.

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