Sans titre

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Tal Coat

jeudi 20 février 2025

Plumes au vent

 Dans cette histoire, on ne sait pas où se situe l'étang que son père lui donna, qui n'était pas si creux que grand, peut-être une mare à canards embellie par des yeux d'enfant, trois canards y nagent, rien de surprenant. Cependant, c'est là que l'histoire commence, un prince, bien fils de son père, chasse au mépris des pauvres gens, voit les canards, vise le noir, tue le blanc d'un maladroit fusil d'argent. Il est méchant le fils du roi, il tue presque gratuitement, du sang sur l'eau, des plumes au vent. Trois dames passent, qui les ramassent, tout va par trois dans cette histoire, des plumes elles feront un lit blanc qui ne consolera pas l'enfant.

mardi 18 février 2025

Plonger du pont

 Dans cette histoire, une fille pleure l'anneau perdu, la bague tombée, ses larmes pleuvent du parapet, elles tombent du pont de Tréguier, là où la bague était tombée. Survient dans cette histoire un jeune homme intrigué qui demande à la belle ce qui la fait pleurer, elle raconte l'anneau perdu, la bague tombée, s'il plonge, elle promet un baiser, un baiser de la belle ne peut se refuser. Il plonge le jeune homme, il aperçoit l'anneau à la première apnée, la seconde il croit le toucher. L'histoire dit qu'à la troisième il s'est noyé. 

Dans cette histoire, en épilogue, un vieillard qui les regardait se met à pleurer, il pleure ses trois fils noyés pour la même fille et  sa maudite bague, pour la promesse d'un baiser.

lundi 17 février 2025

A Saint-Michel-en-Grève

 Dans cette histoire se tient un vieil homme qui ne dit rien. Ce qu'il regarde, on ne sait pas, dans le lointain, après la mer et l'horizon, que trouve-t-on, qu'espère-t-il? - Rien, à son âge on n'espère plus, ou bien alors à l'espagnole, mais là c'est le lot commun. Ce qu'il attend, dans cette histoire, c'est le retour d'un fils perdu qui s'était engagé, il craint la voile noire, le capitaine à qui il l'avait réclamé ne l'avait pas libéré. Dans cette histoire le vieillard pleure dans le secret de son grand lit, la nuit, pendant que des filles chantent la chanson qu'on dit être de son fils. Il se promet qu'à l'aube, il retournera sur la plage, il marchera jusqu'au large, et se noiera, dans une odeur d'iode et d'algues vertes, ça l'histoire ne le dit pas.

samedi 15 février 2025

Ogres

 A nos cycles indifférent, celui du soleil reprend, des frémissements dans la mare, la première tête d'un crocus brave le gel, les jonquilles qui tôt s'ouvriront, y allant à leur tour de leurs petits soleils, tout cela va son cours, tout cela va sans nous, tout cela irait mieux si nous n'étions pas là, goinfres omnivorants de la racine à la fleur, des œufs à la carcasse: nous avons faim de toutes les chairs, nous avons soif de toutes les pulpes, et quand nous aurons tout mangé, nous nous entredévorerons sous un soleil vert.

vendredi 14 février 2025

La bête qui monte

 Qui n'entend pas les bruits les cris et les injures ni le braillement des soudards il en est, qui ne voit pas la mer monter, l'arc en ciel se brunir, le sang pleuvoir dans la fumée il en est, qui se tait et consent au bâillon des mots interdits, qui sait et ne dit rien des crimes qui se fomentent en participe, trois singes en vérité, trois signes sur l'autel de notre lâcheté -on parle de stupeur entre gens bien élevés. Que ferons-nous quand devenus le paillasson des brutes, ils s'essuieront les pieds? La merde de leurs semelles, ferons nous semblant de ne pas la sentir? Et l'odeur des cendres des nos livres, et l'odeur des cendres de ceux qu'ils tiennent pour infâmes (Amis, on a brûlé le malheureux Chausson), en tirerons-nous de la potasse pour nos jardins honteux? Ce qui commence, ce qui continue, soldats travestis avec les robes de leurs victimes,  enfants abattus, migrants murés, villes en feu, folles tabassées, chanteur balancés du balcon, ce qui continue, ce qui recommence, qui ne veut pas voir ni entendre, qu'il se taise honteusement.

mardi 11 février 2025

Pendant la chute

Ce qui nous emporte qu'est-ce? La rage s'épand et nul ne mord qui ne soit mordu, mort promise, bave aux lèvres en se réclamant de dieux morts, nous éructons des ordures, et ceux qui mènent la danse bandent dans la fièvre de leurs crimes. Ce qui nous mène, ce qui nous ment, s'accélère, nous cerne et nous malmène, assommés que nous sommes par la bêtise sans précédent qu'ils sèment. Il faudrait tenir pourtant, aider ceux qui demandent asile, soigner les malades, nourrir les mendiants, préférer les fragiles aux gagnants, aimer  dans toutes les langues aimer bien si possible au moins ne pas trop nuire, ce qu'il faudrait c'est, dans l'effondrement de février, faire foirer les imbéciles, rechercher la douceur en nous de toutes les amours possibles, dans tous les genres, sous toutes les peaux, le sol tremble et vacille comme sombre notre raison, nous ne tenons qu'à un fil rompu, nous tombons aimons nous puisque l'écrasement.

jeudi 6 février 2025

La ronde des féroces

 Les jonquilles pointent à leur tour leurs boutons lancéolés, la fleur s'apprête qui tardera puisque demain il va neiger dit-on, si l'on en croit les prévisions, on patientera, c'est entendu, on n'y pense pas plus que cela, éberlués par l'homme orange et ses nazes musqués. On se dit c'est un mauvais rêve, ça ne peut pas plus mal tourner la terre mais foin du sens, plus désaxés que mappemonde qu'un chat viendrait de renverser, il faut se rendre à l'évidence, il peut empirer le pire, le pire ça peut s'accélérer, on veut échapper à la ronde des féroces, des imbéciles, des brutes épaisses comme un blockhaus, la machine à malheur s'emballe qui fait jouir de puissants crétins. C'est parti pour la valse des lourds, maudit soit qui ne leur ressemble pas, ils fourbissent leurs anathèmes et vérifient qui marche droit, à leurs pas de l'oie, pas de loi qui vaille, malheur aux talons hauts, aux faux cils, aux pieds nus, aux bronzés, aux esquimaux, aux hispanos, la liste ne saurait s'épuiser, c'est le retour de Picrochole, on n'y était pas préparés.

lundi 27 janvier 2025

Ton soleil manque

Ils hurlent sur des écrans muets les assassins du sens. Tout sent la mort, décidément, n'étaient les perce-neige et les pointes des futures jonquilles. Nous t'espérons, faire daffadill, le temps passe et ton soleil manque, au moins reviendra-t-il nous enchanter. Ce qui est sans retour possible, la vie même insultée, ce qui nous hébète, ce qu'on nous inflige, le fascisant goût pour la mort se répand, et je pense à Miguel, jadis, à Salamanque, l'intelligence exécrée par de jeunes brutes en chemise. Reviens, faire daffadill, nous te pleurerons quand fanera ton soleil, craignant que ce soit le dernier.

mercredi 22 janvier 2025

Au bas du ciel

 Il faudrait s'emparer nous dit-on du ciel tant qu'il est bas, s'entendre dire qu'il s'est mis à notre portée, il faudrait y croire un peu, pas d'étoile à décrocher, non, juste raccommoder les plaies d'où fuient les nappes de brouillard et les rideaux d'averses. Le temps n'est pas à l'espoir, le temps il en reste peu, il pleut des langues de feu, il flambe une pluie barbare, les arbres sont en crue les rivières en flammes, l'azur, cette pauvre blague! -elle est morte l'idée, le ciel est trop bas, l'idiotie triomphale: nous a giflé l'aile imbécile, en sommes morts béats béants crétins dociles, le ciel trop bas décidément.

jeudi 16 janvier 2025

Etat des lieux

Nous sommes partis au sud avant qu'à son tour il ne brûle et qu'on y pleure les villas calcinées des riches, on y a vu la belle lumière, les élégants musées, les oliviers qu'on croirait millénaires, Menton, ses citronniers, pas de doute, ça va brûler. Au retour, retrouver la mare prise par le gel, les herbes vitrifiées, le brouillard qui ne se lève guère, heures sans fin de l'hiver, désespérer du jardin. Brûler les bûches dans le poêle, particules fines, je sais bien, je me blottis comme un vieux chat, le jardin  je n'y vais plus guère et c'est à tort: pointent les perce neige, les boutons d'hellébores. L'eau de la mare baigne le pied du laurier. Il faudrait que ça baisse un peu, il faudrait un peu de soleil, quelques signes de vie, un écureuil dans le cerisier. Il faudrait que la vie soit tempérée, qu'on ne se noie ni ne se brûle, nous n'en prenons pas le chemin, je ne sors plus dans le jardin.