Nicolas de Staël, Face au Havre

Nicolas de Staël, Face au Havre
Nicolas de Staël, Face au Havre

vendredi 2 décembre 2016

N'y pouvoir mais

Maman nous l'avons vu mourir souvent, tomber bas, reprendre pied, nous appeler -vérifier que nous répondions- étouffer, se briser, avaler des quantités effarantes de médicaments, cortisone, antalgiques il n'y en avait jamais assez. Maman c'était Mater Dolorosa et la reine des trompe la mort, sept douleurs c'était peu pour elle, neuf vies ce n'était pas assez. La voir mourir encore cela nous accablait, dents cassées tuyauteries perfusions infirmières affairées, tu serais là tu approuverais, tu serais incrédule puisqu'à son tour la voici morte, pour de bon, à jamais, après toi et moi seul à n'y pouvoir mais. Maman c'était aussi la virtuose de la reverdie, un Phoenix en chemise de nuit, à peine morte, déjà rejaillie, la vie qui revenait toujours en elle, et ses rires sa fantaisie dans toutes les chambres d'hôpital, la joie de lire et de parler, s'écocaillant avec ses sœurs, je ne voudrais pas qu'on oublie ses yeux verts, les plis de sa malice, tu m'aiderais dans l'entreprise si toi aussi tu n'étais morte pour de vrai, si toi morte elle ne s'était déprise.

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