La ville au bord de l’eau

La ville au bord de l’eau
La ville au bord de l’eau huile sur toile, 1947 Donation Pierre et Kathleen Granville, 1969 © Musée des Beaux-Arts de Dijon/François Jay © ADAGP, Paris

mercredi 7 décembre 2016

Maman

La tristesse se fixe en de menus agacements. Dans la nuit qui tombe, la voix enregistrée d'une clerc de notaire me réclame des "informations pour le dossier de succession de votre maman". C'est le mot maman qui m'exaspère, ce mot la concernant nous appartient, et toi morte, moi seul suis à même de le prononcer. Ce mot doux comme un linge usé, à peine un mot, presque une onomatopée, le reste d'un balbutiement comme doublé d'un possessif, ce mot commun et singulier, cette voix n'a pas titre à le dire, pas accès à l'affectif car je suis l'affecté, et moi seul le droit de nommer ainsi ma mère, l'évoquant aux intimes qui la connurent et qui l'aimèrent. Maman c'est un nom propre, qui ne désigne qu'une mère à la fois, chacun en désigne sa mère, c'est le mot de l'appel, et qui l'emploie me rappelle que je ne puis plus appeler ma mère. Je ne dis jamais ma maman, ça sonne comme un pléonasme, des lèvres prises de tremblement. Maman, c'est une couverture posée sur l'enfant qui dort, sur l'enfant mort en moi, et nul ne peut s'en emparer sans mettre à nu la plaie, m'injurier dans mon dénuement.

1 commentaire:

  1. "m'injurier dans mon dénuement": que ces mots sont justes et tranchants... Et tous les autres aussi. Merci.

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