La ville au bord de l’eau

La ville au bord de l’eau
La ville au bord de l’eau huile sur toile, 1947 Donation Pierre et Kathleen Granville, 1969 © Musée des Beaux-Arts de Dijon/François Jay © ADAGP, Paris

mercredi 15 décembre 2010

Ratatouille d'exil

Il ne fera plus jamais chaud, plus jamais le soleil ne sera celui-là qui donnait le sens aux collines, qui blanchissait les terres sous le midi de son feu platiné, qui argentait comme un faussaire les branches des lentisques. Les plages de ce côté-ci ne sont pas de ce verre où l'on brûlait ses pieds dans la course éblouissante vers le baiser de la mer avant de remonter retrouver l'ombre parcimonieuse du cabanon où les amis parlaient fort le dimanche en buvant du rosé, de l'anisette Gras.

- Il n'y a pas d'été. Tu ne sais pas ce qu'est l'été. Tu ne connais rien du goût des fruits puisque ici les fruits n'ont pas de goût. Dans la cuisine on renversait de pleins seaux d'eau sur le carrelage. Un peu de fraîcheur, et dans la fraîcheur même, des odeurs de légumes dont tu n'as pas idée. Ici les courgettes ont goût d'eau, ici les aubergines ont goût de courgettes, ici on trouve de la farine dans les tomates, ici je n'ai plus goût à rien. Quand la voisine nous invite, je ressors malade de crème et de beurre, de ces graisses-là qui sentent le cadavre et les engelures de fermière. Je déteste ces femmes pâles qui ne rient jamais, elles ressemblent aux endives de leurs salades, aux bières que sifflent leurs maris. Mais tu sais, je finis par leur ressembler : l'hiver, j'ai la peau plus blanche que les plages d'avant.

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