Sans titre

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Tal Coat

vendredi 14 février 2025

La bête qui monte

 Qui n'entend pas les bruits les cris et les injures ni le braillement des soudards il en est, qui ne voit pas la mer monter, l'arc en ciel se brunir, le sang pleuvoir dans la fumée il en est, qui se tait et consent au bâillon des mots interdits, qui sait et ne dit rien des crimes qui se fomentent en participe, trois singes en vérité, trois signes sur l'autel de notre lâcheté -on parle de stupeur entre gens bien élevés. Que ferons-nous quand devenus le paillasson des brutes, ils s'essuieront les pieds? La merde de leurs semelles, ferons nous semblant de ne pas la sentir? Et l'odeur des cendres des nos livres, et l'odeur des cendres de ceux qu'ils tiennent pour infâmes (Amis, on a brûlé le malheureux Chausson), en tirerons-nous de la potasse pour nos jardins honteux? Ce qui commence, ce qui continue, soldats travestis avec les robes de leurs victimes,  enfants abattus, migrants murés, villes en feu, folles tabassées, chanteur balancés du balcon, ce qui continue, ce qui recommence, qui ne veut pas voir ni entendre, qu'il se taise honteusement.

mardi 11 février 2025

Pendant la chute

Ce qui nous emporte qu'est-ce? La rage s'épand et nul ne mord qui ne soit mordu, mort promise, bave aux lèvres en se réclamant de dieux morts, nous éructons des ordures, et ceux qui mènent la danse bandent dans la fièvre de leurs crimes. Ce qui nous mène, ce qui nous ment, s'accélère, nous cerne et nous malmène, assommés que nous sommes par la bêtise sans précédent qu'ils sèment. Il faudrait tenir pourtant, aider ceux qui demandent asile, soigner les malades, nourrir les mendiants, préférer les fragiles aux gagnants, aimer  dans toutes les langues aimer bien si possible au moins ne pas trop nuire, ce qu'il faudrait c'est, dans l'effondrement de février, faire foirer les imbéciles, rechercher la douceur en nous de toutes les amours possibles, dans tous les genres, sous toutes les peaux, le sol tremble et vacille comme sombre notre raison, nous ne tenons qu'à un fil rompu, nous tombons aimons nous puisque l'écrasement.

jeudi 6 février 2025

La ronde des féroces

 Les jonquilles pointent à leur tour leurs boutons lancéolés, la fleur s'apprête qui tardera puisque demain il va neiger dit-on, si l'on en croit les prévisions, on patientera, c'est entendu, on n'y pense pas plus que cela, éberlués par l'homme orange et ses nazes musqués. On se dit c'est un mauvais rêve, ça ne peut pas plus mal tourner la terre mais foin du sens, plus désaxés que mappemonde qu'un chat viendrait de renverser, il faut se rendre à l'évidence, il peut empirer le pire, le pire ça peut s'accélérer, on veut échapper à la ronde des féroces, des imbéciles, des brutes épaisses comme un blockhaus, la machine à malheur s'emballe qui fait jouir de puissants crétins. C'est parti pour la valse des lourds, maudit soit qui ne leur ressemble pas, ils fourbissent leurs anathèmes et vérifient qui marche droit, à leurs pas de l'oie, pas de loi qui vaille, malheur aux talons hauts, aux faux cils, aux pieds nus, aux bronzés, aux esquimaux, aux hispanos, la liste ne saurait s'épuiser, c'est le retour de Picrochole, on n'y était pas préparés.

lundi 27 janvier 2025

Ton soleil manque

Ils hurlent sur des écrans muets les assassins du sens. Tout sent la mort, décidément, n'étaient les perce-neige et les pointes des futures jonquilles. Nous t'espérons, faire daffadill, le temps passe et ton soleil manque, au moins reviendra-t-il nous enchanter. Ce qui est sans retour possible, la vie même insultée, ce qui nous hébète, ce qu'on nous inflige, le fascisant goût pour la mort se répand, et je pense à Miguel, jadis, à Salamanque, l'intelligence exécrée par de jeunes brutes en chemise. Reviens, faire daffadill, nous te pleurerons quand fanera ton soleil, craignant que ce soit le dernier.

mercredi 22 janvier 2025

Au bas du ciel

 Il faudrait s'emparer nous dit-on du ciel tant qu'il est bas, s'entendre dire qu'il s'est mis à notre portée, il faudrait y croire un peu, pas d'étoile à décrocher, non, juste raccommoder les plaies d'où fuient les nappes de brouillard et les rideaux d'averses. Le temps n'est pas à l'espoir, le temps il en reste peu, il pleut des langues de feu, il flambe une pluie barbare, les arbres sont en crue les rivières en flammes, l'azur, cette pauvre blague! -elle est morte l'idée, le ciel est trop bas, l'idiotie triomphale: nous a giflé l'aile imbécile, en sommes morts béats béants crétins dociles, le ciel trop bas décidément.

jeudi 16 janvier 2025

Etat des lieux

Nous sommes partis au sud avant qu'à son tour il ne brûle et qu'on y pleure les villas calcinées des riches, on y a vu la belle lumière, les élégants musées, les oliviers qu'on croirait millénaires, Menton, ses citronniers, pas de doute, ça va brûler. Au retour, retrouver la mare prise par le gel, les herbes vitrifiées, le brouillard qui ne se lève guère, heures sans fin de l'hiver, désespérer du jardin. Brûler les bûches dans le poêle, particules fines, je sais bien, je me blottis comme un vieux chat, le jardin  je n'y vais plus guère et c'est à tort: pointent les perce neige, les boutons d'hellébores. L'eau de la mare baigne le pied du laurier. Il faudrait que ça baisse un peu, il faudrait un peu de soleil, quelques signes de vie, un écureuil dans le cerisier. Il faudrait que la vie soit tempérée, qu'on ne se noie ni ne se brûle, nous n'en prenons pas le chemin, je ne sors plus dans le jardin.

vendredi 27 décembre 2024

Calfeutré

 Le ciel nous a rejoint qui rase les haies, les terres à nu, l'eau débordant la mare. M'est tombé sur le dos, le ciel, bas et lourd, je le confirme, un brouillard d'il y a cinquante ans, ces jours-ci il ne fait pas jour, le ciel tombe et voilà, la nuit persiste, des nuances léonines, il fait si gris qu'on se serait pas surpris de trouver la mère de Whistler assise dans la cuisine, elle n'y est pas, dieu merci. Le ciel sur le dos, on lit, on a pris au hasard une nouvelle de Jünger, on l'aimait bien le raide prussien jadis, on en est moins dupe aujourd'hui. Chez lui on médite, on  est servi par des domestiques, on considère la catastrophe à venir, on en reste interdit, on rêve d'une élite qui peut-être, éviterait le pire, elle n'a rien évité du tout l'élite, et le pire reste à venir. La nuit est tout à fait tombée, il faut fermer le livre, faire chauffer l'eau du thé, reprendre la lecture: d'un coup de couteau Gaspard le lorrain vide une morue noire et rince le poisson dans l'eau grise de la mer, sans rien dire, et somme toute cela vaut de le lire.      

mercredi 18 décembre 2024

Enfermé dehors

Il ne tue pas l'aimée celui qui se retourne: le ci-devant s'inverse qui dans sa volte-face embrasse un simulacre puisque sitôt retourné, le voici revenu sur sa promesse. Les souvenirs s'évanouissent et s'impose le malheur de n'être plus qu'à rebours de son désir, mort à soi-même mais interdit d'enfer, enfermé dehors, sur la lèvre de la blessure forclose. Pas une plainte, pas un soupir de la promise ravalée, tandis que repoussé sur terre il subit les oiseaux qui s'enivrent d'argouses. C'est un éden désolé, où sa lyre grelotte d'écailles disjointes de la carapace. Douleur à faire pleurer les pierres et tomber les dents des tigres, douleur qui suspend le vol des émouchets, peine qui s'insinue comme lançon dans le sable et scintille d'un éclat d'acier  par la dentelle du rivage. 

Qui s'est retourné vers n'a pas tué l'aimée. L'avenir se cogne à sa nuque pendant que sa voix d'eau de roche invente l'élégie, quand déjà le thyrse des mégères déchire la herse des taillis, se heurte aux branches des lauriers.

jeudi 21 novembre 2024

Jardin sous la neige

 Ce qui tombe neutralise, la lumière en perd son souffle, ce qui tombe une neige grise et les dernières feuilles, stupéfiées, ploient sous le poids, croulent, se brisent. Elle en restera au bouton la dernière rose de la saison, et les grelots du fuchsia blanc perlent comme un chant de cygne. Dire adieu au persil, à l'estragon, la ciboulette -un adieu relatif: ils reviendront au printemps. Thym et romarin résistent, la neige tombe comme à Gravelotte, giboule, efface les contours des arbres, gomme, arrondit, estompe toute forme, bâillonnerait les bruits s'il en était encore par le hameau comme saisi. Ronfle la cheminée qui réclame une bûche, on la lui fournit. Nous prend une envie de laine, de thé noir aux épices, c'est un matin à écouter de la viole, La Rêveuse de Marin Marais, la neige tient dessus la route, pourra-t-on quitter le jardin, on doute, les chats font le dos rond, on écoute dans le silence des tourbillons, c'est la mélancolie même, on se souvient qu'est morte Sophie Watillon, la mélancolie même, on lui offre la dernière fleur du fuchsia blanc.

dimanche 17 novembre 2024

Dernières trompettes

 La nuit ne cesse de tomber qui semble fuir la maison la saison, mes yeux usés. J'ai épluché des trompettes de la mort, des bêtes ont échappé à ma vue basse, j'ai croqué un cloporte réfugié dans la corolle où il a cuit recroquevillé. Dernières trompettes avant l'apocalypse, non, avant la goutte froide qui, peut-être, nous vaudra de la neige -on ne sait qu'en penser, désir d'enfant, crainte de vieillard raidi par l'arthrose, on balance. Les arthropodes et les limaces n'avaient pas hésité, tous aux abris dans les trompes noires où l'hiver ne viendrait pas les chercher, l'hiver non certes, mais mon couteau vengeur, novembre est un mois sans pitié.