À Philippe De Jonckheere
C'était le temps des images rares, et rare aussi la musique, du moins celle qu'on voulait entendre, électrique, celles que les ondes ne portaient qu'avec réticence, celle qui hérissait les grands parents -les parents affectaient d'aimer les Beatles et dansaient sur Sydney Bechet, Petite fleur, Les oignons, or il n'était plus temps et nous n'aimions pas la danse, ou nous la dansions raides comme les cheveux que nous laissions pousser, qui hérissaient les grands parents tout autant que la musique électrique, celle qu'on finissait par entendre, après avoir longuement contemplé les pochettes des albums chez le disquaire -c'était le temps des images rares des grandes pochettes de 33 tours, 30 centimètres, des LPs on disait quand on voulait faire anglais, dieu qu'elle était anglaise la musique qu'on aimait, c'était le temps des disquaires et des libraires, on y léchait les vitrines en attendant d'avoir l'argent, on s'usait les yeux sur les pochettes d'Hipnogis en vignette dans Rock&Folk, avant de pouvoir enfin assourdir les parents, et c'était Ummagumma, The Lamb, ou 2870, les portraits par Mapplethorpe de Patti Smith, Horses, Easter, des images rares, de la musique électrique, c'était le temps des choses qui se laissaient désirer.
Oui, ce passage, tellement latent (et lent, la lenteur de cette économie patiente), entre la vignette dans Rock'n'Folk et pouvoir l'avoir, 30X30cms dans les mains, et des fois, une fois le disque sur la platine, c'était décevant, tellement ! et d'autres fois c'était incroyable ! Tu dis très bien ces choses. Je les ressens à nouveau.
RépondreSupprimerAnecdote, un vendredi après-midi j'ai séché une compo de maths pour aller acheter "Joe's Garage" de Zappa, le jour de sa sortie. Le lundi suivant je m'attendais à ce que le ciel me tombe sur la tête jusqu'à ce que le prof de maths me présente ses excuses personnelles en me disant qu'en quinze ans de carrière il n'avait jamais égaré une copie.
Vingt ans plus tard, petit échange sur internet (il était passé par "Désordre"), je tentais d'introduire tout doucement le sujet de cette composition de maths, il m'a répondu qu'il n'avait JAMAIS perdu une copie de toute sa carrière, j'ai pu comprendre qu'il avait fait cela pour me sauver la peau.
J'ai pas osé lui demander s'il voulait que je lui numérise "Joe's Garage" et que je lui mette en téléchargement quelque part dans le Désordre, comme il m'arrive de faire aux amis.
Amicalement
Phil
Traduction en oc de Stéphane Lombardo:
RépondreSupprimer33 torns e se'n van puei
A Philippe De Jonckheere
Èra lo temps deis imatges rares, e rara perèu la musica, d'aquela pasmens que se voliá ausir, electrica, d'aquela que leis ondas portavan pas qu'ambe reticéncia, aquela qu'enrabiava lei grands-parents, - lei parents fasián coma se li agradavan lei Beatles e mai dançavan sus Sydney Bechet, Pichòta flor, lei cebas, pasmens èra pas mai temps e a nautres nos agradava pas la dança, ò la dançaviam regdes coma lo peu que laissiam crèisser, qu'enrabiavan lei grands-parents, tant coma la musica electrica, d'aquela que se finissiá que s'ausiá, après aver longament remirat lei pochetas deis albums en cò dau discari - èra lo temps deis imatges rares dei pochetas grandas de 33 torns, 30 centimètres, de LP's que se disiá quand se voliá far englès, dieu qu'èra englesa la musica que nos agradava, èra lo temps dei discaris e dei librairies, s'i lecavan lei veirinas en esperant d'aver lei sòus, se frustavan leis uelhs sus lei pochetas d'Hipnogis en vinheta dins Rockn'Folck, enant fin finala de poder eissordir lei parents, e èra Ummaguma, Thé Lamb, ò 2870, lei retrachs per Mapplethorpe de Patti Smith, Horses, Raster, Easter, d'imatges rares, de musica electrica, èra lo temps dei causas que se laissavan puei desirar.