Nicolas de Staël, Face au Havre

Nicolas de Staël, Face au Havre
Nicolas de Staël, Face au Havre

lundi 30 mars 2015

Satori

Tu voulais voir les crocus sur la pelouse en pente, ce furent des jonquilles et les premières tulipes. Printemps donc que tu vis voilée dans ton écharpe, et j'ai chanté des chansons idiotes, poussé trop vite ton fauteuil sur le parking du CHU, à faire trembler les perfs sur l'étrange potence qui te faisait comme un paratonnerre un mètre au-dessus de ta tête. Tu riais de ce visage de vieillarde et de petite fille qui t'était venu depuis quelques semaines, et te poussant j'apercevais ton cou maigre et l’œdème de tes joues. Nous avons fait trois fois le tour du rond point: lumière, ombre lumière, ombre, lumière ombre. Un vieil infirmier fumait sous le porche et nous a regardés. J'ai chanté Méditerranée en accentuant tous les e muets, tu as ri puis tu as toussé puis tu as eu froid. J'ai repris le chemin de ta chambre lentement, par l'ascenseur des patients, la chambre de ta mort et tu souriais encore.

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