A ton dernier appel, envahie par l'angoisse et les visions de la morphine, lucidement hallucinée, tu m'as demandé d'écrire ton histoire et je te l'ai promis, mais cela ne t'a pas suffi: il te fallait et la lumière et notre enfance, ne pas perdre l'enfance partagée, il te fallait la lumière et l'ombre du père sur l'enfance, dire le soleil et ce qui l'a masqué. J'ai promis de nouveau. A présent sous terre ma sœur et mon enfance, il faut tenir parole.
Ta terreur d'être oubliée, dite et répétée lors des derniers jours, m'est insupportable. Alors je commence par la lumière d'été, au club Mickey, sur la plage de Port-Lin, la plage au sable de gros grains, la lumière de juillet sur l'épi blond de tes cheveux courts, et me revient ta drôle de façon de courir, une façon de fille, des maladresses de genoux qui te rendaient souveraine aux jeux d'élastique dans la cour de récréation, pendant que je perdais aux billes, jeux de filles, jeux de garçon.
Je note comme ça vient, pour ne pas tout perdre, et notant je mesure ce qui est perdu, et notant je comprends combien tenir parole est difficile, mais aussi combien tenir parole me tient.
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