Que la mer monte pense la mère, et recouvre de sa lèvre grise le couffin que je laisse sur la plage grise de Berck où j'ai échoué au bout du train. Le billet je l'ai pris pour Berck parce que rien n'est plus triste que la mer grise sur la plage de Berck au bout de la saison.
Que la mer monte et noie l'enfant que j'ai fait naître. L'enfant sans nom se nomme Adélaïde, dit la mère lasse qui avoue précise, du moins le croit-on. L'enfant noyée j'en suis la mère, j'en suis la mort et cet enfant n'a pas de nom qu'on puisse écrire sur la stèle, puisque cet enfant lourd de quinze mois pas moins je ne l'ai pas montré, je ne l'ai pas béni, puisque cet enfant-là n'a pas vu le soleil, puisque je l'ai laissé sur le sable froid de l'entre deux, dans la brièveté de novembre, après avoir consulté le calendrier des marées, puisque moi sa mère je l'ai laissé sans état-civil et m'en suis retournée vivre auprès de son père à qui je mens de tout mon ventre et qui aime, je crois, que je lui mente ainsi.
Indigente, je laisse à mon enfant mort le sort des indigents que toujours on enterre dans la fosse commune. Ma fille, Adélaïde, je n'ai pas eu la force d'aller la nommer, ni de la déposer au parvis d'une église, ma fille ma même pas née, morte sous X, noyée au plus triste de la plage de Berck, par mes soins noyée dans la mer la plus grise, dans les jours les plus courts, dit la mère précise de l'enfant sans nom.
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