Dans cette histoire se tient un vieil homme qui ne dit rien. Ce qu'il regarde, on ne sait pas, dans le lointain, après la mer et l'horizon, que trouve-t-on, qu'espère-t-il? - Rien, à son âge on n'espère plus, ou bien alors à l'espagnole, mais là c'est le lot commun. Ce qu'il attend, dans cette histoire, c'est le retour d'un fils perdu qui s'était engagé, il craint la voile noire, le capitaine à qui il l'avait réclamé ne l'avait pas libéré. Dans cette histoire le vieillard pleure dans le secret de son grand lit, la nuit, pendant que des filles chantent la chanson qu'on dit être de son fils. Il se promet qu'à l'aube, il retournera sur la plage, il marchera jusqu'au large, et se noiera, dans une odeur d'iode et d'algues vertes, ça l'histoire ne le dit pas.
Le ravaudeur n'a pas collecté toutes les pièces du puzzle. Le ravaudeur ravaude, j'entends par là qu'entre les morceaux de sa peine il suture, et que suturant il renonce à l'unité de ce qu'il rassemble et sa tâche c'est de faire tenir ensemble, et son travail un manteau d'Arlequin.
Sans titre
Tal Coat
lundi 17 février 2025
samedi 15 février 2025
Ogres
A nos cycles indifférent, celui du soleil reprend, des frémissements dans la mare, la première tête d'un crocus brave le gel, les jonquilles qui tôt s'ouvriront, y allant à leur tour de leurs petits soleils, tout cela va son cours, tout cela va sans nous, tout cela irait mieux si nous n'étions pas là, goinfres omnivorants de la racine à la fleur, des œufs à la carcasse: nous avons faim de toutes les chairs, nous avons soif de toutes les pulpes, et quand nous aurons tout mangé, nous nous entredévorerons sous un soleil vert.
vendredi 14 février 2025
La bête qui monte
Qui n'entend pas les bruits les cris et les injures ni le braillement des soudards il en est, qui ne voit pas la mer monter, l'arc en ciel se brunir, le sang pleuvoir dans la fumée il en est, qui se tait et consent au bâillon des mots interdits, qui sait et ne dit rien des crimes qui se fomentent en participe, trois singes en vérité, trois signes sur l'autel de notre lâcheté -on parle de stupeur entre gens bien élevés. Que ferons-nous quand devenus le paillasson des brutes, ils s'essuieront les pieds? La merde de leurs semelles, ferons nous semblant de ne pas la sentir? Et l'odeur des cendres des nos livres, et l'odeur des cendres de ceux qu'ils tiennent pour infâmes (Amis, on a brûlé le malheureux Chausson), en tirerons-nous de la potasse pour nos jardins honteux? Ce qui commence, ce qui continue, soldats travestis avec les robes de leurs victimes, enfants abattus, migrants murés, villes en feu, folles tabassées, chanteur balancés du balcon, ce qui continue, ce qui recommence, qui ne veut pas voir ni entendre, qu'il se taise honteusement.
mardi 11 février 2025
Pendant la chute
jeudi 6 février 2025
La ronde des féroces
Les jonquilles pointent à leur tour leurs boutons lancéolés, la fleur s'apprête qui tardera puisque demain il va neiger dit-on, si l'on en croit les prévisions, on patientera, c'est entendu, on n'y pense pas plus que cela, éberlués par l'homme orange et ses nazes musqués. On se dit c'est un mauvais rêve, ça ne peut pas plus mal tourner la terre mais foin du sens, plus désaxés que mappemonde qu'un chat viendrait de renverser, il faut se rendre à l'évidence, il peut empirer le pire, le pire ça peut s'accélérer, on veut échapper à la ronde des féroces, des imbéciles, des brutes épaisses comme un blockhaus, la machine à malheur s'emballe qui fait jouir de puissants crétins. C'est parti pour la valse des lourds, maudit soit qui ne leur ressemble pas, ils fourbissent leurs anathèmes et vérifient qui marche droit, à leurs pas de l'oie, pas de loi qui vaille, malheur aux talons hauts, aux faux cils, aux pieds nus, aux bronzés, aux esquimaux, aux hispanos, la liste ne saurait s'épuiser, c'est le retour de Picrochole, on n'y était pas préparés.
lundi 27 janvier 2025
Ton soleil manque
Ils hurlent sur des écrans muets les assassins du sens. Tout sent la mort, décidément, n'étaient les perce-neige et les pointes des futures jonquilles. Nous t'espérons, faire daffadill, le temps passe et ton soleil manque, au moins reviendra-t-il nous enchanter. Ce qui est sans retour possible, la vie même insultée, ce qui nous hébète, ce qu'on nous inflige, le fascisant goût pour la mort se répand, et je pense à Miguel, jadis, à Salamanque, l'intelligence exécrée par de jeunes brutes en chemise. Reviens, faire daffadill, nous te pleurerons quand fanera ton soleil, craignant que ce soit le dernier.
mercredi 22 janvier 2025
Au bas du ciel
Il faudrait s'emparer nous dit-on du ciel tant qu'il est bas, s'entendre dire qu'il s'est mis à notre portée, il faudrait y croire un peu, pas d'étoile à décrocher, non, juste raccommoder les plaies d'où fuient les nappes de brouillard et les rideaux d'averses. Le temps n'est pas à l'espoir, le temps il en reste peu, il pleut des langues de feu, il flambe une pluie barbare, les arbres sont en crue les rivières en flammes, l'azur, cette pauvre blague! -elle est morte l'idée, le ciel est trop bas, l'idiotie triomphale: nous a giflé l'aile imbécile, en sommes morts béats béants crétins dociles, le ciel trop bas décidément.
jeudi 16 janvier 2025
Etat des lieux
vendredi 27 décembre 2024
Calfeutré
Le ciel nous a rejoint qui rase les haies, les terres à nu, l'eau débordant la mare. M'est tombé sur le dos, le ciel, bas et lourd, je le confirme, un brouillard d'il y a cinquante ans, ces jours-ci il ne fait pas jour, le ciel tombe et voilà, la nuit persiste, des nuances léonines, il fait si gris qu'on se serait pas surpris de trouver la mère de Whistler assise dans la cuisine, elle n'y est pas, dieu merci. Le ciel sur le dos, on lit, on a pris au hasard une nouvelle de Jünger, on l'aimait bien le raide prussien jadis, on en est moins dupe aujourd'hui. Chez lui on médite, on est servi par des domestiques, on considère la catastrophe à venir, on en reste interdit, on rêve d'une élite qui peut-être, éviterait le pire, elle n'a rien évité du tout l'élite, et le pire reste à venir. La nuit est tout à fait tombée, il faut fermer le livre, faire chauffer l'eau du thé, reprendre la lecture: d'un coup de couteau Gaspard le lorrain vide une morue noire et rince le poisson dans l'eau grise de la mer, sans rien dire, et somme toute cela vaut de le lire.
mercredi 18 décembre 2024
Enfermé dehors
Il ne tue pas l'aimée celui qui se retourne: le ci-devant s'inverse qui dans sa volte-face embrasse un simulacre puisque sitôt retourné, le voici revenu sur sa promesse. Les souvenirs s'évanouissent et s'impose le malheur de n'être plus qu'à rebours de son désir, mort à soi-même mais interdit d'enfer, enfermé dehors, sur la lèvre de la blessure forclose. Pas une plainte, pas un soupir de la promise ravalée, tandis que repoussé sur terre il subit les oiseaux qui s'enivrent d'argouses. C'est un éden désolé, où sa lyre grelotte d'écailles disjointes de la carapace. Douleur à faire pleurer les pierres et tomber les dents des tigres, douleur qui suspend le vol des émouchets, peine qui s'insinue comme lançon dans le sable et scintille d'un éclat d'acier par la dentelle du rivage.
Qui s'est retourné vers n'a pas tué l'aimée. L'avenir se cogne à sa nuque pendant que sa voix d'eau de roche invente l'élégie, quand déjà le thyrse des mégères déchire la herse des taillis, se heurte aux branches des lauriers.