Ce doit être juillet, on les laisse courir la campagne, on connait les chemins qu'ils prennent, les jours sont interminables, leurs courses aussi, il faut qu'ils soient rentrés pour diner, c'est tout, chez l'un ou l'autre n'importe, leurs mères se valent, les repas aussi qu'ils avalent sitôt assis bientôt repartis, en cavale ce qu'on dit, les inséparables, leurs jeans poussiéreux, leurs polos collés, vous auriez pu vous doucher, où êtes-vous allé trainer, aux douves, au bois des Clayes, à la pépinière mater les filles? Nul ne sait, disparus qu'ils sont, une pêche emportée à la volée de la corbeille à fruits, le jus sucré coule des lèvres qui s'ouvrent pour cracher le noyau décharné. Ce qu'ils disent, rien, on n'en tire rien, ce qui se dit d'eux, des taiseux, on les craint un peu, mais jamais rien de précis, pas voleurs, pas le genre -on connaît leurs mères, elles sont amies et parlent, elles, tous les après midis de la vie qu'elle n'ont pas vécu, elles ont beaucoup lu, trop de romans, elles en parlent des heures entières.
C'est à peine un sentier, il faut passer sous le barbelé, pour entrer dans le parc où vont les bêtes, ce sont les bêtes qui l'ont tracé, blaireaux, renards, sangliers peut-être. Les arbres vieux et rares ploient sous les lianes de lierre, en contrebas, la ruine d'une glacière, c'est là que vont les garçons de l'été dont les polos s'envolent, dont les bouches se collent dans un parfum de pêche.
Le ravaudeur n'a pas collecté toutes les pièces du puzzle. Le ravaudeur ravaude, j'entends par là qu'entre les morceaux de sa peine il suture, et que suturant il renonce à l'unité de ce qu'il rassemble et sa tâche c'est de faire tenir ensemble, et son travail un manteau d'Arlequin.
Ronde jaune et orange
Arpad Szenès, Ronde jaune et orange, 1955
mardi 9 décembre 2025
Fils de leurs mères
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