Ronde jaune et orange

Ronde jaune et orange
Arpad Szenès, Ronde jaune et orange, 1955

mardi 16 décembre 2025

Torch song

 Où êtes-vous, Marie la brune, dans quel taudis vous trouvez-vous perdue, combien de couches, combien d'enfants, dans quelle chaux vive vous voilà dissoute?

Vous aviez quitté la fabrique -non les hommes ne valent rien-  vous rentriez chez vous, la rue, vous n'aimiez pas. Vous n'êtes jamais arrivée, vous n'êtes jamais revenue.

Si vous étiez jolie? -sans doute, Marie aux cheveux sages, jeune comme le sont les grisettes qui jouent de l'aiguille et du fil. Ce qui vous a fait vieillir, l'histoire ne le dit pas, mais on comprend, on devine: les hommes sont des scélérats.

Les enfants crasseux pendent à vos guenilles, d'homme au logis, il n'y a pas. Ceux qui passent n'ont plus l'œil qui brille, la porte qui bat, c'est le vent qui passait par là.

Était-il seulement beau, la gouape qui vous suivit, vous poussa dans l'ombre d'un porche, vous embrassa? Vous prit-il pour fille des rues, fille perdue, fille de joie? La joie vous ne connaissez pas, Marie la grise, et l'apache il a disparu.

Il reste de vous vie en miettes, il reste des bouches à nourrir, le dernier né qui tète encore votre sein fatigué hors de la blouse sale, vous avez recouvert vos rêves de chaux vive.


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