Nicolas de Staël, Face au Havre

Nicolas de Staël, Face au Havre
Nicolas de Staël, Face au Havre

jeudi 7 juillet 2016

Le tour de la Pointe

Je tourne autour du tour de la Pointe, un tour de rien de tout, sept kilomètres sur mon compteur de vélo, c'était le tour et c'était tout, notre balade à bicyclette les jours où il faisait beau. Quand il pleuvait c'était en auto que les gens trompaient l'ennui en cherchant une crêperie, en regardant les flots gercés par la pluie. C'était la honte aussi, lorsque le père qui buvait trop décidait d'un tour en auto, avec nous, les cousins de passage, les jeunes comme il disait -quand il buvait il prétendait avoir dix-huit ans. Il prenait le volant bourré, roulait lentement pour observer les gens qui marchaient sur le port, le long de la côte, et désinhibé, s'épanchait en saillies sur les filles qui passaient, les décolletés, les robes courtes d'été. On aurait tant voulu être ailleurs, on avait envie de demander pardon à toutes les filles insultées, on priait pour qu'elles n'entendent pas ce qu'il disait d'elles, il parlait haut et fort. Nous étions les enfants d'un porc, qui jouissait de notre honte, nous regardant par le rétroviseur. Qu'il était long, alors, le tour de la Pointe, qu'elle était lourde l'existence, impérieuse l'évidence: il faudrait, pour survivre, rompre le cercle, et ne rien reproduire qui puisse lui ressembler.

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