Avec des os de seiche, avec du bois flotté, avec des bâtons d'esquimaux Frigécrème, nous avons construit des bateaux qui chaviraient toujours, on ne comprenait pas pourquoi. Des voiles de papier, des mâts toujours penchés, l'odeur de la colle Seccotine, en avons-nous fabriqué des jonques, des sinagots… On les ménageait pourtant, on choisissait des mares à l'abri des vents, en vain: ça n'existait pas les mares à l'abri, nos esquifs ils versaient toujours, faute de dérive, de quille, d'équilibre. Parfois nos voiliers trop légers s'envolaient, ce n'était pas le but, cela nous étonnait, et nous courions sur les rochers les chercher où ils avaient chu -ils ne volaient jamais bien loin. Nous avons appris-là, bien plus qu'en planche à voile, la leçon des vents qu'on ne maîtrise pas. Les vacances au Croisic, ce furent aussi des ballons perdus, des cerfs-volants empêtrés dans les fils électriques, des avions de balsa, des avions en plastique aux hélices mues par un élastique qui trop vrillé rompait, des hélicoptères fracassés sur le toit. Le vent nous prenait tout, le vent nous échappait.
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