Nous quittons la maison blanche, il vient de pleuvoir et sur le chemin, l'odeur du goudron chaud, nous allons à la plage où la mer semblera tiède, nous allons mouiller nos pieds dans les herbes des marais, nous partons au cinéma qui ne passe que de vieux films pas de notre âge, peu importe, nous allons, c'est ce qui compte ces mois d'été, qu'il pleuve ou non, à vélo ou à pied, nous connaissons toutes les routes, tous les sentiers de la presqu’île, toutes les crêperies quand nous avons l'argent. Ce furent vacances éternelles, recommencées pendant vingt ans, à ne pas comprendre qu'on puisse aller ailleurs, à tout ignorer et du Nord et du Sud, nous poussions jusqu'à la Pointe, plein ouest, notre finistère minuscule. Un espace occidenté, où nous avons couru, nagé, bondi plongé, et la terre était encore du sable grossier, et les rochers saillaient dans les champs comme ils fendaient la mer. Tu m'apparais avec ton seau, petits crabes verts, crevettes, bigorneaux, tu portes un bob rouge dont l'envers est fleuri, tu sautes d'une mare à l'autre, tu cries quand te saisit la vague, la première, celle qui transit, tu as des grains de beauté sur le dos, des grains de sable collés aux pieds, des éclats de mica mieux qu'un bijou pour scintiller, des traces de sel lorsqu'au soleil revenu tu t'offres à sécher. Nous revenons à la maison blanche, affamés, fatigués, minceur d'enfants heureux d'un bonheur élémentaire.
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