Nicolas de Staël, Face au Havre

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Nicolas de Staël, Face au Havre

mercredi 17 février 2016

poisson grillé 2

Il aurait fallu dire la part du père dans la pêche, sa marinière délavée, le pull dont sa mère avait honte, pull bleu raccommodé. Ce serait justice de rappeler qu'il fut source de ces joies-là, qu'il fut patient à nous apprendre les gestes qu'il faut pour ne pas affoler les bêtes, comment savoir faire silence et se mouvoir lentement, sur l'eau comme dans la forêt. Nous lui devons le nom des arbres, des oiseaux, des poissons et des crustacés, nous lui devons de ne pas écraser les champignons, de cueillir les bons. Les poissons grillés, c'était lui qui les préparait. Au père l'art du feu, le barbecue rituel. Mais voilà je suis seul à me souvenir, et injustement, parce qu'il fut injuste, je décide ici que le bonheur ce fut sans lui, malgré lui, contre lui. il disparaît du bateau qu'il pilotait, il ne plonge plus, il ne pêche plus, ses mains sont sans effet sur les braises. Les cèpes, c'est sans lui que je les trouve, les poissons je ne les grille pas. Il te survit, mais en moi pour toi toute la place toute l'enfance et pour toi toute la lumière, et limpide tu l'annihiles, et morte tu lui survis dans ce territoire dont moi seul j'ai la clé.

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