C'est ainsi je te survis c'est ainsi c'est si imprévu que je dure, moi qui n'ai jamais rien construit, moi qui n'ai jamais rien prévu, moi qui n'ai ni procréé ni trouvé l'être aimable, l'être aimé, qui n'ai jamais vécu qu'en amateur, moi qui suis par mégarde, qui te survis par erreur, me voilà stupide de ton absence, toi qui fus si solide, si consistante, si constante, si tenace. Je ne veux pas retrouver les catégories du père qui t'avait adjugé le mérite quand il m'assignait la facilité du don, ce poison-là, non. Mais je reste pantois d'être-là quand tu n'es plus. Jamais, avant que tu ne me préviennes -tu me prévins très tôt, je n'ai pu que te croire- jamais je n'avais envisagé te perdre, et c'était doux pour moi t'imaginer me survivant, c'était naturel, c'était l'ordre des choses dans ma petite cervelle de dilettante de l'existence. Je te survis c'est ainsi, ça n'a pas de sens, je suis un vieillard qui danse sur un air qu'il ne connait pas.
Le ravaudeur n'a pas collecté toutes les pièces du puzzle. Le ravaudeur ravaude, j'entends par là qu'entre les morceaux de sa peine il suture, et que suturant il renonce à l'unité de ce qu'il rassemble et sa tâche c'est de faire tenir ensemble, et son travail un manteau d'Arlequin.
Passent les morts d'une vie, et à leur suite la sagesse de ne plus croire ni en la mort, ni en la naissance... Quand les lubies de l’éternité nous quittent, que reste te-t-il ? La sagesse que la vie nous traverse un temps... Et poursuit son chemin... Rien de plus. Nous ne survivons à rien... A notre mort, nous ne mourrons pas... La vie n'obéit à aucun ordre ni chronologie... Pourquoi elle et pas les autres ? Pourquoi les innocents et pas les tyrans ? L'amour et la mémoire sont la véritable chair de ce que nous sommes... Des fils d'affections... Comme des graines... Des mots à peine germés... Des phrases inachevées... On trompe l'absurde pour faire bonne figure... Mais nul n'est dupe... Ni l’encre noire, ni le papier blanc…
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