La ville au bord de l’eau

La ville au bord de l’eau
La ville au bord de l’eau huile sur toile, 1947 Donation Pierre et Kathleen Granville, 1969 © Musée des Beaux-Arts de Dijon/François Jay © ADAGP, Paris

samedi 24 mai 2014

Inversion du Gulf Stream

Alors, quand l'hiver frappa -nous n'aurions jamais cru qu'il pût frapper ici, nous n'étions pas prêts, l'est-on jamais dans la pluie de l'ouest, l'embu du brouillard sur la vallée? Stupéfaits, nous sommes devenus sourds au monde, et cette lumière grise de neige, ce silence comme un bâillon que seuls crevaient les cris des arbres déchirés, nous ont réveillé, nous ont engourdi.
Nous n'avions ni les vêtements ni les chaussures, alors il a fallu rester dans la maison, regarder les traces disparaître, les reliefs se gommer, compter sur les provisions puisque nos pas étaient comptés, puisque nos pas s'effaçaient, pousser la chaudière à fond, regarder la jauge de fioul, glisser jusqu'en bas de la place chercher le pain comme un trappeur des peaux. Le bocage, c'était les Vosges, une métamorphose ronde, qu'arrondissait encore au loin l'estompage des formes. On vit un sanglier perdu dans le village. Bientôt, ce serait le temps des ours, des lynx, des loups et des pièges d'or. C'était un peu gros d'y rêver mais la neige glaçant nos bottes de caoutchouc, ces rêves bleuissaient nos pieds.

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