Nicolas de Staël, Face au Havre

Nicolas de Staël, Face au Havre
Nicolas de Staël, Face au Havre

lundi 6 septembre 2010

Animaux nous-mêmes

Désirer la neige et son poids de silence sur l’ardoise, parier sur sa rareté, mais la souhaiter comme on désire les choses improbables. Reprendre d’assaut ce dehors déserté, reprendre au visage des couleurs de fruits, reprendre haleine même dans l’haleine gelée de décembre. Les bruits sont retrouvés dans d’autres reliefs, les enfants le savent qui crient des cris de guerre au-delà des collines.
Nous redécouvrons les traces qu’il s’agit de savoir lire, empreintes de sangliers vers les bois du mont Rôti, urine de renard, et sont dessinés sur le champ recouvert des corbeaux plus noirs que ceux des contes. On pourrait nous pister à travers la campagne : nous y laissons nos pas, les dessins de nos semelles lorsque la neige est tassée, un sillage pétrifié quand d’aventure elle abonda. Animaux nous-mêmes.

dimanche 5 septembre 2010

l'arracheur de langue

Pour qui brûla, qui fut brûlé
jusqu'à passion morsure du doute
jeunes gens fortunés,
certes
Messieurs du Marais, foutre
foutant foutus
jeunes gens torturés fourbus
mais eux la barre du bourreau
mais lui le mors dedans la bouche
qu'un François Garasse un furieux
leur bouta rouge jusqu'outre-gorge
pour qui brûla, qui fut brûlé.

Phylis en con, Jean-Louis en cul
tout retourné le socratique se fit chien
bon cynique il mordit la main
de qui ne l'avait pas battu
la main qui bien l'avait branlé
la main qui l'avait calculé
le chibre qui l'avait foutu
Jean-Louis déshonoré
a tout vendu
quand le chibre s'est retiré.

Pour qui foutant pour qui foutu
pour qui chantant le cornecul
pour qui le cul de basse-fosse
quand la main du roi se tirant
le poëte se trouva nu,
l'avérroïste fut rompu
pour qui foutant pour qui foutu
ne foutant rien François
Garasse le furieux
soldat de Jésus
cracha sur la plaie des corps nus.

samedi 4 septembre 2010

Cendres

Tu revenais de Cancale, où tu avais dispersé les cendres de ton oncle irradié. Tu racontais en vrac, et j’étais le premier venu. La pointe du Groin, les moules frites sur le port, des moules trop petites et vaseuses, ton oncle à Mururoa, c’était le temps des essais nucléaires, du service militaire. Pompiste en sandales, il avait été contaminé par les avions qu’il chargeait de kérosène, il avait perdu ses cheveux, ses dents, et au bout d’un an de retraite, par le cancer la vie. Vous aviez dispersé les cendres en cachette, là où il aimait pêcher. C’était facile en mars il n’y a jamais personne. Tu t’arrêtes, te demandes pourquoi tu me racontes cela. Je ne sais pas : j’écoute j’accueille.

vendredi 3 septembre 2010

Scarifié

Jusqu’à l’os, la plaie. Ce qu’elle signifie, cette géographie des lèvres, de la chair déchirée comme soie par un clou, rien sans doute, et l’écorchure n’arrête pas de se refermer comme la mer après Moïse. Cicatrice alors. Non, cicatrisation : c’est dans cet étirement des tissus que l’effort se perçoit, on se hâte, on se gratte, on rouvre la plaie. Pas jusqu’à l’os, non, ça n’aurait aucun sens. Quiconque a vu l’os de son propre crâne accumule cheveux, postiche, chapeaux. Si tout tombe et notre corps un décor misérable, et nos stigmates, le mauvais procès d’un méchant théâtre, pourquoi regarder jusqu’à l’os, scruter les mystères ? Ils sont là. Les lèvres de la plaie les prononcent, bouche de mystère, sanglante Eleusis. Ce qui nous fonde nous fait mal, et qu’importe ce que nous en comprenons: que ne lisons-nous pas dans le dessin des cicatrices ?

jeudi 2 septembre 2010

Mangue

Lancez amis la poudre du rêve, incisez le fruit merveilleux jusqu’à l’os. Que s’achève entre pulpe et lame l’idée même qui nous fit marcher droit, jusqu’au noyau ligneux des nuits décentrées, jusqu’au soir même des songes qui nous ont réveillés, qui désormais nous abandonnent.

Tu marches sur les mains

Tu marches sur les mains pour ne pas froisser le mercure t'as même pas 50° de quoi tu te plains t'as même pas de température pourquoi tu te plains tu viens à moi tes dents au creux des mains tu viens à moi d'un sourire vide tu me chuintes des mots d'amour je ne comprends rien je ne comprends rien on aurait eu des vacances à la mer on aurait rabouté des lambeaux de bonheur on aurait pu tant faire ensemble on n'a rien fait on ne fait rien