Nous ne savons plus prendre la pluie comme elle vient, nous n'en avons plus les moyens, nous élucubrons piètres indiens des danses et des processions, nous augurons du pire qui excédera nos rêves de cassandres, il pleut pourtant, l'herbe est verte, elle ressemble à s'y méprendre aux prairies grasses de l'enfance, à la Normandie du beurre et de la crème, or nous savons qu'il n'en est rien, la pluie aussi nous est comptée jusqu'au cœur du bocage, l'eau, comme l'air, viendra à nous manquer, inimaginable et certain, contre-intuitif disent les gourmés, il y en a toujours qui veulent faire les malins, tandis que les malins -j'entends les salauds- remplissent piscines et bassines, se foutent du désert qui gagne, des forêts qui brûlent comme jamais: l'Alberta c'est loin, le manque ce sera pour les autres, la mort pour les pauvres, nul doute qu'ils se gobergent jusqu'à plus soif et laissent le commun crever. Mais pour l'heure l'herbe est verte, les mares ont remonté, il a bien plu pourquoi s'en faire? Attendons l'été.
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