Toute ma vie sur la ligne Paris/Normandie, pas celle de la Bête humaine, mais de Saint-Lazare à Bernay, comme un itinéraire: tout m'est familier qui glisse contre la vitre du Corail Intercités, la verrière sale des premiers mètres, les espaces indécis de Nanterre, l'université dont je ne vois qu'un bout de la tour de la BU, l'ile sur la Seine où se fiche un pilier du pont, Houilles-Carrières, très rapidement, Sartrouville à la gare perchée, Maisons-Laffitte à la gare enfouie, où ma mère habita, entre les deux la Seine pour boucler et séparer deux mondes, Poissy qui fut Simca qui fut Talbot qui est Peugeot, j'y changeais de train pour aller à Villennes, l'ile chic mais inondable, la maison de tante Marie, l'église romane, la gare vert d'eau, Médan, tiens revoilà Zola et la maison de l'oncle Dominique, une ile encore, celle d'une base de loisirs qui sentait bon l'été 36, j'accélère, je connais moins et je vieillis, filent bon train Verneuil, Vernouillet, les Mureaux, Mantes la pas trop jolie, quitter la Seine pour la plaine, tunnel avant de ralentir: Evreux où s'arrêtent des jeunes à casquettes, quand deux anglaises mangent des sandwiches qui sentent l'Angleterre, puis c'est l'église de Conches (un jour j'irai la visiter), au loin les ruines blanches de Beaumont, vallée de la Charentonne, Serquigny...
Je descends à Bernay, on m'attend sur le quai. Toute ma vie, quasi, à voir filer dans un Corail Intercités.
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