La ville au bord de l’eau

La ville au bord de l’eau
La ville au bord de l’eau huile sur toile, 1947 Donation Pierre et Kathleen Granville, 1969 © Musée des Beaux-Arts de Dijon/François Jay © ADAGP, Paris

jeudi 11 juillet 2013

Casablanquer 10


J'avais un fils, qu'il dit, le pied-noir ivre, je ne sais plus son nom, non je ne sais plus rien sinon qu'il croquait des lézards les nuits sans lune, des lézards dont les queues tressautaient hors des lèvres comme des petits sexes vertébrés, que ça m'en foutait la trouille lorsque je rentrais de la chasse du Souss, avec ma part de sanglier. S'il n'a plus de nom c'est ma faute, il faisait sombre, et j'ai eu trop peur un soir de murge, je l'ai écrasé contre le mur, un soir où ma chambre grouillait de blattes, d'un coup de sandales j'ai éclaté mon fils et n'ai plus vu de cafards courir mais son corps translucide, médusé, adhérer à la chaux comme un margouillat dort. S'il avait grandi, je lui aurais appris la chasse, il aurait fait du sport, du tennis au C.A.F., du surf à Essaouira. J'avais un fils, qu'il dit, le Pied-Noir ivre. Il a sa bouteille dans chaque cabaret. Il regarde le faux diamant coincé dans le nombril de la danseuse de ventre : la bouteille vide, il lui semble que sa vie s'y décompose, il en sort une queue de lézard bleu.

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