La ville au bord de l’eau

La ville au bord de l’eau
La ville au bord de l’eau huile sur toile, 1947 Donation Pierre et Kathleen Granville, 1969 © Musée des Beaux-Arts de Dijon/François Jay © ADAGP, Paris

jeudi 20 juin 2013

Le concert des belles-soeurs

Elle arrive d'Amérique et le fait bien sentir, parle plus qu'il n'est de mise, rit trop fort, humilie l'air de rien ceux qui sont restés là, renvoyés à la petitesse, au passé, à la crasse de l'ancien monde. Les belles-soeurs la détestent, elle et ses robes de big mama, qui s'abat sur les choses, leur parle comme à des arriérées qu'il faudrait ménager et siffle en deux soirées la bouteille de cognac en racontant New-York, en comprenant tout, de loin très floue, myope, embrumée d'alcool. Elle pontifie, s'esclaffe et s'endort. De fait, comment mesurerait-elle le tranchant des femmes d'ici, leur modestie rageuse, fierté d'une vie d'effacement? Discrètement, elles laissent le bulldozer (ainsi la nomment-elles entre elles, au marché)occuper l'avant-scène et donner le spectacle de ses titubations. La condamnation n'a plus qu'à tomber et l'Américaine, vulgaire, alcoolique, n'a plus sa part au concert qu'elles donnent. Les belles-soeurs n'ont jamais bu, elles, jamais fumé, jamais joui. Elles élèvent leurs enfants comme on taille un bonsaï. Le linge est rangé, la vaisselle faite, parfaites elles sont les belles-soeurs du concert. Aux States, ça fait vingt ans qu'on a des lave-vaisselle, laisse tomber l'Américaine qui ne propose pas d'aider.

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