Madame M, ma mitoyenne, m’avait accroché dans la rue, des confidences, elle s’était approchée pour me dire de sa voix de Mistinguett, vous savez pas, z-avez pas vu, la vieille en face, la vieille voisine, elle a tué son chien ! – Non ? –Si ! Quand il faisait si froid, elle l’a laissé dehors, trois jours à moins dix, il en a crevé, faut être marteau, faut être pas bien, la vieille en face elle est pas finie, hein ? Mais j’ai porté plainte, ça se passera pas comme ça, j’ai téléphoné à la SPA, il y a eu une enquête, c’est sa fille qui l’a enterré, c’est dégueulasse, on traite pas les chiens comme ça. Mais je lui dirai, à la vieille d’en face, faut pas rester ici, j’vais y faire peur, lui dire, parce que c’est vrai, votre maison, elle est maudite, cinq fois vendue en moins de six ans, le cancer de l’ancienne voisine elle qui n’avait pas quarante ans, votre maison faut la quitter, et le chien mort… je serais vous je déménagerais, ça je vais lui dire !
Elle m’avait mis deux coups de coude, comme à un vieux pote, elle rigolait de sa niche, l’idée de harceler plus vieille qu’elle la réjouissait, harceler de plein droit, pensez ! c’est pas souvent. Et bien-sûr elle ne l'a pas fait.
C'était avant, quand elle trottait, ses cheveux rouges de fille au vent, avant la fracture du col les béquilles, la rééducation. Après ce ne fut plus qu'un trottinement, elle derrière plus que devant. La R 12 sortait moins souvent. Puis ce fut la seconde fracture (elle prenait des bains,forcément! ricana la boulangère).
C'était février, j'étais en vacances. Quand je suis revenu, j'ai su. Le fusil de chasse du compagnon, la décharge de chevrotine (Elle n'aurait plus marché, de toute façon, dixit la boulangère).
Au cimetière, sa tombe, laïque, présente son suicide avec respect: on y lit, touché, l'effort des enfants pour comprendre ma courageuse mitoyenne.
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