A notre tour on la verra envahie d’herbes folles, les volets écaillés et la rouille pissant depuis les gonds sur le granit. En juin, on passait au minium les deux rampes de l’escalier qui montait à la terrasse, une semaine de rampes orange puis une couche de vert bronze lui rendait son aspect convenable. Il ne fallait pas attirer l’attention, il fallait rester discret, simple.
La tempête aura arraché le cupresus doré dont la première branche latérale, de longtemps, menaçait le garage.
Quand on l’a connue, elle était ainsi, il y avait des vitres brisées, il manquait des ardoises, la moitié du portail était arrachée. A l’intérieur, des graffitis sur le plâtre nu (les tapisseries avaient été arrachées), des dessins obscènes. Les Allemands avaient brûlé les boiseries, transformé la villa en lupanar. A l’abandon, elle avait servi de refuge aux vagabonds. On l’a connue ainsi, crasseuse, avec des matelas pourris à même le sol, des odeurs de pisse dans les coins, les murs rongés par le salpêtre, la cave bavant l’algue verte mêlée à la poussière de charbon. On l’a achetée en l’état, pas cher, pour la vue. On l’abandonnera, quand notre tour de catastrophe sera venu, il n’y aura plus que le vent pour tailler les fusains dans le prolongement du mur, et plus personne pour préserver les soupiraux de l’invasion de la glycine. On s’y entraîne tous les ans, septembre voit la maison désertée, et la dernière semaine vouée aux rangements, aux préparatifs d’hivernage.
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