L'infirmière appelle ce matin à neuf heures, maman délire sous la morphine -une toute petite dose me disait-elle mercredi comme une vieille junkie, après avoir confondu Toussaint et Pentecôte- je pense à elle je pense à toi, ces jours sinistres de février à Rennes où toi aussi tu déliras sous la morphine, tu te voyais broyée par le piston d'une cafetière -ce sont tes mots. L'infirmière ne me raconte pas ce que dit maman qui hallucine, appelle sa famille -j'en déduis qu'elle m'appelle et te réclame. Pas la première fois, non, pas la première fois qu'elle délire, à Colpo, lors de son sevrage, elle hurlait nos noms, sa douleur et sa rage, et les soignants nous connaissaient avant de nous avoir vus.
L'infirmière est désemparée, maman est agressive, ce n'est pas son genre dit-elle, en effet pas son genre de crier, ce sont nos noms qu'elle crie, qu'on entend depuis le couloir, et bien-sûr je vais y répondre, reprendre la route dans quelques jours, qu'il n'y ait pas que ton silence pour répondre à sa nuit.