Ronde jaune et orange

Ronde jaune et orange
Arpad Szenès, Ronde jaune et orange, 1955

jeudi 13 novembre 2025

Sommeil des justes

 On attend. Ca vient. Comment? On ne sait pas très bien, si ça monte, si on descend, si c'est rage ou peur, langueur ou tempête, ça sent le malheur, n'importe comment, on voit des enfants maigres, des morts, toutes les mères là-bas sont piétas pures d'une douleur d'outre-cri. On est de marbre la tête dans les épaules, et si on prie c'est pour éloigner l'épreuve, maintenir au loin la menace, marchander avec des dieux minables le pacte honteux du malheur des autres, et pourtant on s'endort, presque contents, tant la souffrance indiffère pour peu qu'elle sache se tenir hors les murs.

On dort mal cependant, mais qui croirait que l'insomnie tourmente une conscience taraudée serait dans le faux; le mauvais sommeil est celui de l'angoisse: Et si la porte n'était pas bien fermée, et si, d'un vasistas oublié, laissé baillant un soir d'été, on entendait les appels à l'aide, les grâce, les pitié, si ça se rapprochait la guerre, si l'on sentait sur sa nuque l'haleine des pauvres, des affamés? Si ça demandait justice, au lieu de mourir au loin? C'est en sueur qu'on se réveille, le malheur vaut pour les victimes qui en sont responsables, la mort pour les malchanceux qui l'ont bien cherché. Qu'elle se tienne à distance la Palestine, ces piétas sont insupportables, c'est l'heure du petit déjeuner.

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