J'ai pris hier, plus tard que d'ordinaire, la route de Rouen, il faisait bien clair dans la vallée du Bec, j'ai ralenti dans le virage où Mathieu mourut naguère. Plus exactement, j'ai pu, pour la première fois lire son prénom au cœur des fleurs artificielles, au pied de la croix -modeste- qui se trouve là depuis quelques mois. On meurt beaucoup sur les routes par ici, et il n'est pas rare de trouver sur le bas-côté, un petit monument, une plaque, un bouquet accroché à une clôture, un signe qui témoigne qu'à cet endroit-là quelqu'un perdit la vie. Rares cependant sont ceux dont on peut lire le nom, mais ce n'est pas pour ça que Mathieu, que je ne connais pas, me requit. Au printemps, c'était en mai je crois, j'étais passé par là et j'avais dû freiner pour laisser traverser un homme et deux enfants qui, à genoux dans le fossé fleurirent le virage, et je n'avais su qu'en penser. Qui étaient-ils, le frère de Mathieu, ses neveux, ses enfants peut-être? Quelle imprudence sans doute, mais surtout, la nécessité, l'urgence de poser une pierre contre l'oubli, faire un nœud au mouchoir du deuil, cela qui m'étreignit alors, cela que le nom lu hier raviva, Mathieu que je ne connais pas.
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