Sans titre

Sans titre
Tal Coat

vendredi 20 juin 2025

Incendies

 Le feu s'approche. Il semble que jadis on le maitrisait mieux, ou, toutefois, on le craignait moins: il était plus rare, relevait du fait divers. L'incendiaire était mis au ban, tenu pour fou, pervers enfant aux allumettes, minable escroc aux assurances, le feu ces années-là, c'était le sud, les Canadair, un monde lointain pour nous gens de l'ouest aux étés verts, amateurs de giroles d'orage dans les bois de chênes, celles qui poussaient en cercles jaunes trois jours après la pluie. Les campings évacués, les garrigues rôties, les squelettes calcinés des pins et la suie sur le visage creusé des pompiers, un autre monde, plus étranger que l'étranger pour nous qui disions que le soleil chauffait l'averse, qui ne sortions jamais le soir sans veste -il faisait cru, il faisait frais, on rentrait les enfants, on dinait dedans. Au matin, le sable de la plage était criblé de petits cratères: il avait plu, et le ciel en était comme neuf. L'été 76, nous n'avons rien compris, nous sommes restés dehors passé minuit attendant la fraîcheur qui ne venait jamais. Il y eut des incendies dans le pays du père, il y partit en meute avec ses frères, des champs, des granges avaient brûlé, ils soupçonnaient le métayer, n'en eurent jamais le cœur net, cet été là tant de champs brûlèrent, le sud s'était rapproché. Ce que ces feux annonçaient cet été de l'impôt sécheresse, nous ne l'avons pas mesuré, René Dumont était un huluberlu qui portait des chandails orange, nous avons oublié, retrouvé la pluie et nos certitudes d'enfants du bocage. Il a fallu qu'en 2003, l'été qui tua tant de vieillards, un matin, revenant du marché où j'étais allé tôt, je passe par la Véronne. Sous le petit pont, à Saint Martin, trois gamins se baignaient, bronzés comme des caramels, ces enfants du bocage hâlés comme des provençaux riaient s'éclaboussaient dans ce qu'il restait d'eau. Le grand incendie s'approchait.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire