Puisqu'il faut entrer dans novembre, transformer la véranda en remise, y abriter le laurier rose, y serrer courges et oignons, allumer le poêle au matin pour que l'étage chauffe, s'accommoder d'un espace rétréci mais tiède -c'est douillet chez nous aurait-on dit jadis (ma langue vieillit, un peu confite, un peu compote, ma langue de saison, pomme de calville, purée de potimarrons, odeur de chanterelles)- ce que je dis devient brumeux, ce n'est pas ma vue qui s'étoupe, c'est le ciel si bas qu'on marche dessus. Perce du gris laiteux le feu du liquidambar -remettre une bûche sur la braise qui faiblit- le chat noir ne veut plus sortir qui va de sieste en sieste et ronronne sur nos genoux, c'est doux novembre ainsi loin des crues, des tempêtes, des massacres, des incendies, le brouillard a tout étouffé, nous tenant à l'écart des fureurs du monde. C'est cette douceur qui nous trompe, tandis qu'à Valence on compte les noyés, qu'à Gaza les morts sont indénombrables, c'est Toussaint, nous pourrions fleurir et nettoyer les tombes des nôtres, mais ailleurs, pas si loin, combien restent sans sépulture?
Le ravaudeur n'a pas collecté toutes les pièces du puzzle. Le ravaudeur ravaude, j'entends par là qu'entre les morceaux de sa peine il suture, et que suturant il renonce à l'unité de ce qu'il rassemble et sa tâche c'est de faire tenir ensemble, et son travail un manteau d'Arlequin.