Nicolas de Staël, Face au Havre

Nicolas de Staël, Face au Havre
Nicolas de Staël, Face au Havre

mardi 22 août 2017

Excursions

Lorsqu'elle allait bien maman, c'était loin d'être tout le temps, mais tout de même parfois, quand elle n'était pas trop laminée par le père, elle nous emmenait en promenade, en excursion, c'était toujours joli, amusant les promenades de l'après-midi quand maman s'arrachait du lit, de la mélancolie, de son malheur de femme. C'étaient des lieux choisis, des chemins charmants, même dans les endroits qu'elle n'aimait pas tellement -je pense à Baulon où nous allions peu de toute façon- elle trouvait près de la Chèze un petit pont de bois branlant qui franchissait un fossé sous la futaie, et nous passions le précipice, et nous étions qualifiés, ravis, preux et rieurs. C'étaient des goûters dans les douves de Provins, c'était le raidillon qui montait à Grâce, nous y arrivions en sueur, fiers de nos exploits de grimpeurs, essoufflés dans l'ombre de la chapelle encombrée d'ex-voto, heureux d'être sortis pour un temps du jardin de Honfleur, étonnés de voir en face le port du Havre comme un monstre attirant, lointain -c'était avant le grand pont, nul n'allait jamais au Havre, ville rasée, ville laide aux mains des communistes, il n'y avait rien à y voir rien à y faire à en écouter grand-père, pourtant, ça nous faisait envie, l'autre rive, mais jamais ni lui ni maman ne donnèrent la pièce qui permettait d'enclancher la lunette au point de vue panoramique: on voulait voir de plus près.

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