La ville au bord de l’eau

La ville au bord de l’eau
La ville au bord de l’eau huile sur toile, 1947 Donation Pierre et Kathleen Granville, 1969 © Musée des Beaux-Arts de Dijon/François Jay © ADAGP, Paris

samedi 7 mai 2016

Ce qui fait retour

Je reviens à ces jours, au coup de téléphone, ton dernier, où tu m'as demandé d'écrire ce qui avait fait notre enfance, l'ombre et la lumière as-tu dit. J'ai répondu que j'avais déjà quelques textes, je te les ai apportés le surlendemain au CHU, ils t'ont plu mais tu ne t'y es pas retrouvée, tu ne me l'as pas dit ainsi, tu as parlé de Honfleur et du Croisic, pour toi l'enfance était bien davantage du côté du soleil et des murs blancs de la presqu'île, et pour moi ce n'était pas si net, aujourd'hui encore je nous revois sur la luge à Mulhouse, dans les greniers de Honfleur -il y avait au plancher un trou d'où l'on voyait la Simca de grand-père- à Provins sur la pelouse où nous dressions des tentes faites de tabourets, de manches à balais et de couvertures militaires, à Villepreux dont tu parlais peu, mais où nous étions repassés un jour où nous allions acheter des étagères Ikea, et rien n'avait changé mais le monde s'était rétréci à voir la place minuscule et ses acacias rue du ruisseau Saint-Prix. Mais pour toi le Croisic l'emportait, terre d'enfance, et les dernières semaines Laurent notre frère de vacances était venu souvent te voir, et il avait su faire renaître ce monde qui m'évoque aujourd'hui les sandales en plastique obligatoires sur les rochers, ses allergies au soleil qui le tachetaient d'orange, les pêches au haveneau, les courses à vélo, les tables à rallonges où venaient s'asseoir une myriade de cousins, d'amis et d'oncles -mère et tantes cuisinaient, ce n'était pas vacances pour tout le monde, et nos appétits d'enfants étaient infinis, et nous avions pour nous le temps éternel des semaines d'été. 
Je n'ai plus le temps mais je le prends pour toi, je lance mes filets dans ce passé où je peine à me pencher, ce que j'en ramène c'est peu, j'en fais ce que j'en peux, et je pense aux tableaux de feutrine où le père du père collait à la Sécotine des coquillages avec rigueur, à la façon des vitrines des vieux musées d'histoire naturelle.

1 commentaire:

  1. Se maufisar dau soleu

    Tornar a Vannes, t'i tornar trobar pas, es picar lo luec d'irrealitat. Ta chambra, lo jardin, lei carriera dei barris de pèiras tremolant de polipòds, lei renglòras grisas e lei renglòras vèrdas, lo pòrt enavau, lei ressons dau bagad, Philippe, lei pichòts, tot te subreviu, lo gòu indiferent, te subrevive, sabe pas coma. Lei sabors an pas cambiat, la lutz parèis eternala que raja sus leis isclas ont nos agradava de caminar, lei plajas ben escondudas ont t'agradava tant de denedar, ont, te maufisent dau soleu - se cau maufisar dau soleu - demoravas jamai longtemps. Corpatàssie l'incambiat, verifique, incredule, ton abséncia, e aqueu sentiment insensat que siás pas tu que siás mòrta, mai que lo mond t'escond e me mentís, coma me mentís lo mond en t'escondent, coma lo soleu t'escafa, coma son crudèus lei rires dei pichòts sota lei barris de Vannes ont de tu me languisse d'a fons.
    (traduction en Oc de Stéphane Lombardo)

    RépondreSupprimer